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L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Léa Sanchez
Etudiante en Master 2 Droit des libertés
à l’Université de Caen Normandie
Dans un contexte de violations innombrables et continues des droits de l’Homme en Syrie depuis 2011, l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice (CIJ) en ce 16 novembre s’inscrit dans la voie de la reconnaissance des exactions perpétrées par le gouvernement. Cette décision intervient au lendemain de la publication par la France d’un mandat d’arrêt à l’encontre du Président syrien Bachar al-Assad, soulignant la volonté de mettre fin aux atteintes des droits fondamentaux du peuple syrien.
Cette affaire remonte à 2011 lors du printemps arabe. Celui-ci marque le début d’un conflit brutal entre le gouvernement et une partie du peuple qui demandait alors des réformes politiques et le respect de leur droit. Face à ce soulèvement social, le régime va réagir avec une violence extrême infligeant des détentions arbitraires, des actes de torture, des agressions sexuelles et des disparitions forcées. À l’initiative du Conseil des droits de l’Homme, une Commission d’enquête a été créée (résolution S-17/1). Depuis plus d’une décennie, ses rapports font état de violations systématiques des droits de l’Homme ainsi que de l’impunité des forces de sécurité et des représentants du régime.
Le Canada et les Pays-Bas n’ont cessé de dénoncer ces actes aussi bien devant des organes des Nations Unies ou en s’adressant directement à la Syrie. La Cour a rendu son ordonnance après que ces deux pays aient déposé, en juin, une requête conjointe visant à initier une procédure contre la Syrie pour violations présumées de la Convention contre la torture mais également réclamant des mesures conservatoires. Ces deux pays demandent à la Cour d’imposer l’arrêt de la torture et des détentions arbitraires de toute urgence.
C’est donc dans ce contexte, impliquant trois parties à la Convention, que l’établissement de mesures conservatoires apparait comme impératif. En effet, conformément à l’article 41 de son statut, la Cour a le pouvoir de rendre des ordonnances en indication de mesures conservatoires dans des situations d’urgence afin d’empêcher des préjudices graves et irréversibles avant la décision sur le fond.
Dans le cas d’une demande de mesures conservatoires, la Cour doit initialement évaluer si elle semble compétente pour statuer sur l’affaire qui lui est soumise. Les requérants fondent cette compétence sur le §1 de l’article 30 de la Convention contre la torture. Selon cette disposition, si un différend concernant l’interprétation ou l’application de la Convention ne peut pas être réglé par des négociations, il doit être soumis à l’arbitrage et si aucun accord n’est atteint dans les six mois, l’une des parties peut saisir la CIJ.
Avant de prononcer des mesures provisoires, la Cour doit donc établir de manière plausible l’existence d’un différend entre les parties au sens du droit international, défini comme un « désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts » (Concessions Mavrommatis en Palestine, CPJI, 1924). Pour étayer leurs demandes, le Canada et les Pays-Bas invoque un désaccord quant à la mise en œuvre de la Convention par le gouvernement syrien en raison de ses pratiques de torture. Ils affirment ensuite avoir entamé une demande de négociation avec la Syrie et, en l’absence de progrès, avoir proposé le recours à l’arbitrage, proposition à laquelle celle-ci n’aurait pas répondu. Selon la Cour, les conditions préalables de cette clause compromissoire ont été remplies. La Syrie, à l’inverse, nie la compétence de la Cour.
Concernant la qualité pour agir des requérants, selon eux, l’interdiction de la torture ainsi que les autres obligations découlant de la Convention ont un caractère erga ormes partes. Elles seraient donc dues à tous les États parties et par conséquent, leur non-respect serait susceptible de causer un préjudice à l’ensemble des parties. La Syrie argue qu’il s’agit d’obligations individuelles incombant spécifiquement à chaque État, soutenant ainsi que les plaignants n’ont pas subi de préjudice direct.
La Cour avait déjà jugé, dans l’affaire Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal, CIJ, 20 juillet 2012), que le respect des droits et obligations de ladite Convention était considéré comme étant dans l’« intérêt commun » (§68) de tous les États parties. Ainsi, elle confirme, à première vue, la qualité pour agir des requérants, en réaffirmant la nature erga omnes de ces obligations.
De plus, la Cour va considérer, en l’espèce, que la protection des droits revendiqués par les requérants est plausible. Pour cela, elle va s’appuyer sur un différend antérieur relatif à la Convention contre la discrimination raciale opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan (CIJ, ordonnance 7 décembre 2021). La Cour avait établi un lien entre le respect des droits consacrés par ladite convention et le droit de ces États de réclamer l’exécution de ces obligations. Par conséquent, la Cour conclut que ce raisonnement est également applicable à la Convention contre la torture. Elle estime que les requérants ont un droit plausible à exiger que la Syrie s’acquitte de ses obligations en raison du caractère erga omnes.
Pour établir l’existence d’un risque réel et imminent d’un préjudice irréparable, la Cour prend en compte les rapports de la Commission en Syrie. Ceux-ci dénoncent le caractère systématique des actes de torture perpétrés par les autorités dans les lieux de détention et en dehors ainsi que l’absence d’intention de la part du régime de mettre fin à de telles pratiques. La Cour constate donc l’urgence d’instaurer des mesures provisoires en raison de la persistance des violences.
Par 13 voix contre 2, la Cour va ordonner la mise en place de mesures conservatoires visant à contraindre la Syrie à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer la torture ainsi que de garantir la conservation des preuves liées à de tels actes. De plus, elle souligne le caractère contraignant de ses ordonnances, conformément à sa jurisprudence constante issue de l’affaire LaGrand (CIJ, arrêt 27 juin 2001).
Cette ordonnance revêt une signification particulière à l’échelle internationale. En effet, c’est la première fois que le régime syrien est mis en cause devant une juridiction internationale pour les exactions qu’il a commises depuis 2011. La présence d’une clause compromissoire dans la Convention (article 30) conférant compétence à CIJ revêt une importance cruciale, car elle dispense la nécessité de recueillir le consentement de la Syrie. Elle permet donc d’amener le régime syrien devant la justice internationale, étant donné qu’en l’absence de cette clause, il est probable que la Syrie n’aurait pas donné son accord. Cela ouvre la voie à une reconnaissance internationale des violations systématiques et continues sur le peuple Syrien.
Mais il est important de rappeler que cela ne préjuge en rien la future décision au fond et qu’à ce stade de la procédure, la Cour n’a pas reconnu formellement la pratique de la torture en Syrie. La réintégration du régime de Bachar al-Assad dans la Ligue arabe a soulevé des doutes quant à une réelle amélioration de la situation pour le peuple syrien. Cela laisse entendre que des pays rétablissent une collaboration avec lui, malgré la persistance des actes de torture. Dans ce contexte, cette décision représente donc une lueur d’espoir pour toutes les victimes et marque un pas important dans la lutte contre l’impunité du régime.
Cette ordonnance met en lumière les limites des décisions de la Cour. La Syrie a constamment nié les allégations de tortures présentes dans les rapports de la Commission, les qualifiant de mensonges. Il est ainsi probable que la Syrie ne se conforme pas aux mesures. De plus, l’année dernière, les juges avaient émis des mesures conservatoires à l’encontre de la Russie afin qu’elle cesse ses hostilités en Ukraine, mesures qu’elle n’a pas respectées. La Cour ne disposant pas de moyens permettant de faire exécuter son ordonnance, il faut compter sur la pression de la communauté internationale et faire cesser toute collaboration avec ce régime. De plus, il faut prendre en considération la future décision au fond qui pourrait confirmer le non-respect des mesures provisoires. Une telle constatation constituerait une violation du droit international, susceptible d’entraîner des réparations pour les victimes (LaGrandCIJ, arrêt 27 juin 2001).
Cette affaire marque une certaine extension de l’application des droits et obligations énoncés dans la Convention contre la torture. En s’appuyant sur sa jurisprudence antérieure, elle établit que la lutte contre la torture est d’intérêt commun, permettant ainsi à n’importe quel État partie d’engager la responsabilité d’un autre État. En 2012, cela avait déjà fait l’objet d’une dissidence de la part du Juge chinois, opinion qu’elle a réaffirmée pour l’affaire en cause en considérant que ce caractère ne donne pas qualité pour agir. Ainsi, elle assouplit son appréciation des conditions pour ordonner des mesures conservatoires lorsque les droits susceptibles d’être violés ont un caractère erga omnes. Il est important de souligner que la torture, en tant que norme du jus cogens, revêt une importance fondamentale pour la communauté internationale et ne peut faire l’objet d’aucune dérogation. L’approche de la Cour souligne donc la nécessité de prendre des mesures d’urgence en raison de l’importance du respect des normes impératives du droit international.
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