03/07/2025
L’équipe de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix a sélectionné ses coups de cœurs du mois de juin à regarder, écouter et lire.
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
Affaire : Décision n° 2024-1109 QPC du 18 octobre 2024 Groupement forestier Forêt de Teillay et autres
L’article 17 de la Déclaration de 1789 consacre le droit de propriété, tout en y admettant des atteintes justifiées par l’intérêt général. Ce concept est évolutif, et la protection de l’environnement y occupe une place croissante. Ainsi, le code de l’environnement offre des prérogatives élargies aux autorités publiques comme l’article L.171-1, qui autorise des agents à pénétrer sur des propriétés privées, y compris dans des lieux assimilés au domicile, afin d’exercer des missions de contrôle, sans autorisation préalable du juge des libertés et de la détention (JLD). Cette intrusion devrait être soumise à l’intervention d’un juge, garantie légale du respect de l’article 2 DDHC. Bien que justifiées par la protection de l’environnement, ces interventions soulèvent des questions quant à la portée réelle du droit de propriété et de l’inviolabilité du domicile. En effet, les agents ne se limitent pas à des observations, ils sont habilités à prélever des échantillons, vérifier la conformité des installations, ou encore exiger des modifications. Les propriétaires doivent respecter des normes strictes relatives à l’aménagement de clôtures dans les zones délimitées par le plan local d’urbanisme et les espaces naturels délimités par des schémas régionaux. Ces restrictions peuvent aller jusqu’à la destruction en cas d’incompatibilité avec la préservation de l’espace (art.L.372-1 c. environn.). Des exceptions existent (clôtures revêtant un intérêt historique ou patrimonial) et la législation permet d’établir une clôture étanche dans la limite de 150m des propriétés. Ces obligations sont lourdes puisque la charge des travaux incombe en totalité aux propriétaires. De plus, l’application de la loi n°2023-54 du 2 février 2023, est rétroactive aux clôtures érigées depuis 30 ans. La mise en conformité doit intervenir d’ici le 1er janvier 2027. La décision n° 2024-1109 QPC intervient ainsi dans un cadre de tensions entre la protection de l’environnement, qui est un objectif de valeur constitutionnelle (OVC) et les prérogatives des propriétaires privés, protégées par la Constitution.
Les requérants invoquent des atteintes multiples aux droits et libertés protégés par la Constitution. En premier lieu, l’article L.424-3-1 c. environn. impose la mise en conformité des clôtures sans indemnisation des propriétaires, ce qui constituerait une privation contraire à l’article 17 DDHC. Cela remet en cause le droit de clore du fait de l’impossibilité matérielle d’édifier ou de maintenir des clôtures, et donc de délimiter sa propriété. Cette interdiction ne serait pas proportionnée ni davantage motivée par un motif d’intérêt général, ce qui conduirait à la violation de l’article 2 DDHC qui pose le droit « naturel et imprescriptible » de propriété. Sur la même disposition, les requérants invoquent la violation du principe d’égalité, en raison des coûts financiers liés à l’effacement des clôtures litigieuses et de la différence de traitement des propriétaires selon la date d’édification des biens. Les requérants reprochent également au législateur l’absence de définition précise des termes « espaces naturels » et « clôtures », méconnaissant de ce fait sa compétence. Ils ajoutent que l’obligation de mise en conformité rétroactive porte atteinte aux principes de sûreté et de sécurité juridiques déduits de l’article 16 DDHC. Les requérants invoquent enfin une violation du droit au respect de la vie privée et du droit à un recours juridictionnel effectif, résultant des interventions des agents dans les propriétés, sans consentement ni autorisation préalable du JLD.
Le Conseil Constitutionnel rend une décision de conformité. Il rejette les prétentions des requérants et considère que les limitations établies par les dispositions litigieuses sont justifiées par le motif d’intérêt général de protection de l’environnement. Le Conseil nie la privation du droit de propriété puisqu’il s’agit ici d’une limitation et rappelle au §14 que « les atteintes (…) doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Les Sages poursuivent en déduisant du droit de propriété celui de clore son bien §15. La mise en conformité des clôtures interroge des situations légalement acquises, cependant, le législateur poursuit une politique de réduction de l’engrillagement des espaces naturels aux fins de préserver la libre circulation des animaux (§17-19), qui est conforme à l’OVC de protection de l’environnement. De fait, l’atteinte est proportionnée aux buts poursuivis, et justifiée par un motif d’intérêt général. Le Conseil rappelle les critères législatifs, à savoir que la nouvelle règlementation des clôtures n’interdit pas le droit de clore mais établit des modalités plus respectueuses de l’environnement. L’atteinte au principe d’égalité n’est pas davantage retenue du fait de la possibilité de régler différemment des situations distinctes pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement résulte d’un rapport direct avec l’objet de la loi (décision du 11 octobre 2024 n°2024-1107 QPC §5), de ce fait les propriétaires de biens situés dans des milieux naturels sont dans une situation qui n’est pas assimilable à ceux ne l’étant pas. Par ailleurs, le Conseil estime qu’une application rétroactive sur 30 ans, n’est pas constitutive d’une violation du principe d’égalité. Quant aux coûts de mise en conformité dans des conditions respectueuses de l’environnement (art.L.424-3-1 c. environn.), ils ne réunissent pas les éléments matériels d’anormalité et de spécialité exigés pour caractériser une rupture d’égalité. D’autre part, le droit de visite des agents chargés d’un contrôle administratif environnemental poursuit l’OVC de prévention des atteintes à l’ordre public. Ainsi, l’accès au domicile et à la partie des locaux à usage d’habitation se déroule en présence de l’occupant, avec son accord, si le lieu inspecté constitue un domicile.
Cette décision valide la constitutionnalité des dispositions contestées et précise leurs conditions d’application. De manière inédite, le Conseil se positionne en faveur de la protection de l’environnement qu’il fait primer sur les droits des propriétaires afin de permettre « la libre circulation des animaux sauvages » §19. Le Conseil mentionne succinctement l’application rétroactive prévue par la loi, en reprenant l’argument de l’exécutif sur la nécessité de « réduire l’engrillagement » sans justifier davantage une telle mesure, ce qui peut interroger quant à sa proportionnalité. Par ailleurs, la possibilité de clore comme composante du droit de propriété, était déjà prévue dès 1804 dans le code civil (art. 647). Il s’agit non pas de priver le propriétaire de ses droits, mais de les encadrer en les conciliant avec des préoccupations environnementales. De plus, les interventions sur terrain privé sont strictement limitées, et proportionnées avec les risques liés à l’environnement §14. La jurisprudence le rappelle régulièrement (décisions n° 2015-518 QPC du 2 février 2016 §13, ou n° 2010-60 QPC du 12 novembre 2010 §3). Cette limitation motivée par des enjeux environnementaux est progressive en matière de droits et libertés fondamentales, notamment à la lumière d’autres droits comme celui des générations futures, désormais reconnu par la décision n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023 (§6). Il faut néanmoins rappeler qu’en termes de force obligatoire et de nature juridique, les OVC sont matériellement moins contraignants qu’un droit fondamental tel que celui de propriété et par extension, celui de clore son bien foncier.
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