24/04/2025
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L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Katell Le Moal
Etudiante en Master 2 Droit des libertés
à l’Université de Caen Normandie
Le droit au respect de la vie privée est protégé par l’article 9 du Code civil issu de la loi du 17 juillet 1970 et par l’article 8§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après Convention EDH). Il apparaît comme un droit fondamental pour les personnes physiques en ce qu’il les protège des immixtions des tiers dans leur intimité. Cependant, il est moins intuitif de considérer qu’une personne morale ait la nécessité de voir sa « vie privée » protégée, étant un être abstrait sans vie familiale, sentimentale et n’ayant ni voix ou image à protéger.
Dans la présente affaire, la Cour de cassation puis la Cour européenne des droits de l’Homme ont été saisies afin de se prononcer sur l’admissibilité d’une ingérence dans le droit de propriété, en l’espèce le transfert du nom de domaine « France.com » à l’État français. Pourtant, le juge européen va raisonner en terme d’admissibilité d’une ingérence, en l’espèce l’atteinte au nom, dans la vie privée d’un État.
Le tribunal de grande instance avait considéré que le nom de domaine «France.com» enregistré par la société américaine France.com Inc. en 1994 avait pour effet une privatisation indue du nom de la collectivité à son profit, constituant une atteinte aux droits de l’État sur son nom, sa souveraineté et son identité.
Ce jugement fut confirmé par la Cour d’appel de Paris qui, statuant sur le fondement de l’article 9 du Code civil, considéra que l’appellation «France» constituait pour l’État français un élément de son identité et était assimilable au nom patronymique d’une personne physique.
La société requérante forma alors un pourvoi en invoquant une violation de l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention EDH estimant qu’aucune base légale ne permettait au juge d’ordonner le transfert à l’État d’un nom de domaine régulièrement enregistré sur le fondement du droit de l’État sur son nom. De plus, la cour d’appel aurait violé les articles 544 et 545 du Code civil puisque aucune cause d’utilité publique ne justifiait l’atteinte à son droit de propriété et qu’il n’avait pas donné lieu à indemnisation à la charge de l’État.
La Cour de cassation rejeta ce pourvoi considérant que la société requérante ne pouvait se prévaloir d’un bien protégé au sens de l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention EDH, et que l’enregistrement d’un nom de domaine ne conférait pas à son titulaire un droit de propriété sur celui-ci.
Le 18 juillet 2022, la société France.com Inc. saisit la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après la Cour EDH) invoquant la violation par la France de l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention EDH relatif au droit au respect des biens. La société requérante conteste le transfert, ordonné par les juridictions françaises, à l’État du nom de domaine qu’elle exploite, soutenant qu’il s’agit d’une expropriation de fait.
Selon le gouvernement, l’exploitation du nom du domaine «France.com» est une atteinte aux droits de l’État sur son territoire et son identité, le nom «France» étant l’appellation courante du territoire français et un élément de sa personnalité.
Réitérant sa jurisprudence Paeffgen GmbH c. Allemagne, n°25379/04, (18 septembre 2007) la Cour EDH commence par admettre que le nom de domaine litigieux constitue un «bien» dont la société requérante était titulaire au sens de l’article 1 du Protocole n°1 en raison de sa valeur économique, contrairement à la solution retenue par la Cour de cassation. Elle en déduit que l’ordonnance de cession de ce nom de domaine à l’État français s’analyse en une ingérence dans le droit de la société requérante au respect de ses biens.
La Cour EDH applique alors sa jurisprudence constante selon laquelle «pour être conforme à l’article 1 du Protocole n°1, toute mesure doit être mise en œuvre dans les conditions prévues par la loi, poursuivre un but légitime et être proportionnée à ce but, c’est-à-dire ménager un juste équilibre entre l’intérêt général et le droit de l’individu au respect de ses biens» (ZAO TD Setunskaya c. Russie, n°2607/14, 10 novembre 2020).
Elle vérifie tout d’abord qu’une telle ingérence de l’autorité publique dans la jouissance du droit au respect de biens ait une base légale. À cet égard, elle constate que celle-ci se fondait sur l’article 9 du Code civil selon lequel chacun a droit au respect de sa vie privée, le nom de domaine litigieux constituant un élément de l’identité de la France et étant assimilable à un nom patronymique d’une personne physique.
Après avoir admis que l’article 9 du Code civil constituait une base légale suffisante pour l’ingérence de l’État dans le droit au respect des biens, la Cour EDH constate que celle-ci poursuivait un but d’intérêt général en ce qu’elle visait à mettre fin à la violation du droit de l’État sur son nom et son identité ainsi qu’à éviter de créer une confusion dans l’esprit du public qui aurait pu légitimement croire que ce site Internet émanait de l’État français ou d’un service officiel.
Ensuite, la Cour EDH contrôle la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique. D’une part, elle estime que la confusion susceptible d’être créée dans l’esprit des usagers d’Internet heurtait les intérêts légitimes de l’État sans pour autant accorder à la société un quelconque privilège. D’autre part, elle considère que l’absence d’indemnisation n’a pas imposé à la société de charge exorbitante rompant le juste équilibre entre ses intérêts individuels et l’intérêt public.
Enfin, la Cour EDH balaie l’argument de la société requérante selon lequel elle aurait subi un traitement discriminatoire en raison de sa nationalité ainsi que la violation alléguée de l’article 6§1 de la Convention EDH.
Au vu de tous ces éléments, la Cour EDH rend à l’unanimité une décision d’irrecevabilité à l’encontre de la requête de la société en ce qu’elle est manifestement mal fondée.
En considérant que l’article 9 du Code civil constitue une base légale suffisante pour justifier l’ingérence de l’État dans le droit de propriété de la société, et ce alors même qu’il ressort de la jurisprudence des juridictions internes que celui-ci ne serait s’appliquer aux personnes morales, la Cour EDH consacre vis-à-vis de l’État un droit sur son nom, élément de sa vie privée, qu’elle assimile au nom patronymique des personnes physiques. Elle reconnaît ainsi une forme d’indisponibilité du nom de l’État, caractéristique rattachable au nom des personnes physiques.
Cette décision de la Cour EDH va à l’encontre de la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation qui refuse d’étendre le champ d’application de l’article 9 du Code civil aux personnes morales. Ainsi, si ces dernières disposent d’un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée au sens de l’article 9 du Code civil (Civ. 1re, 17 mars 2016, n°15-14.072).
Les personnes morales sont traditionnellement titulaires des droits de la personnalité qui ne sont pas rattachés spécifiquement à la personne humaine. À titre d’exemple, elles ne peuvent pas se prévaloir d’un droit à l’image mais elles peuvent revendiquer un droit à la protection de leur nom (Civ. 1re , 5 déc. 1966), de leur domicile (Crim., 23 mai 1995, n° 94-81.141), de leur réputation, une personne morale pouvant être victime de diffamation (Crim., 12 oct. 1976, n° 75-90.239). La Cour européenne des droits de l’Homme a elle aussi pu consacrer, sur le fondement de l’article 8§1 de la Convention, le droit au respect du domicile (Sociétés Colas et autres c. France, n° 37971/97, 16 avril 2022) ainsi que le droit au secret des correspondances (Association for european integration and human rights and Ekimdzhiev c. Bulgarie, 28 juin 2007, n° 62540/00).
Pourtant, et à l’instar de la Cour EDH dans cette décision, quelques juges ont étendu l’application de l’article 9 du Code civil aux personnes morales. C’est ainsi que par un arrêt du 10 mai 2001 (n° 2001-159448, D. 2002, p. 2299, obs. A Lepage), la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que les personnes morales étaient susceptibles de subir une atteinte à leur vie privée.
Enfin, dans un arrêt du 7 octobre 2022 (n°443826), le Conseil d’État a estimé que «les comptes des fondations n’ayant reçu aucune subvention publique, qui relèvent de la vie privée de ces organismes […] ne sont pas communicables aux tiers». On peut noter à cet égard une différence de position entre la jurisprudence de la Cour de cassation et celle du Conseil d’État qui étend plus facilement le droit au respect de la vie privée aux personnes morales.
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