24/04/2025
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L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Jeanne LAURENT
Etudiante en Master Droit des libertés de l’UFR Droit
de l’Université de Caen Normandie
Affaire : Conseil constitutionnel, décision 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022
Il convient dans un premier temps de faire un point sur l’état du droit douanier applicable au moment des faits.
Ce droit repose sur des prérogatives exorbitantes de droit commun. En effet, n’ayant pourtant pas la qualification d’officier de police judiciaire, les douaniers n’ont, dans la lettre de l’article 60 du Code des douanes, aucune condition à respecter pour procéder à leurs inspections. Leurs contrôles peuvent être réalisés en toutes circonstances, sur tout le territoire, sans justification, sans contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Il est important de souligner que si ce texte, jamais réformé depuis son entrée en vigueur en 1948, ne prévoit pas de possibles recours à la force ni de retenue forcée des citoyens contrôlés, le pouvoir discrétionnaire qu’il offre aux agents des douanes est considérable.
Il n’est donc pas étonnant que des dépassements liés au non-respect de garanties procédurales interviennent fréquemment. On pourrait parfois même voir une certaine protection de la part des juridictions de première instance et des Cours d’appel. Pour ne citer qu’un exemple, la Cour de cassation a été amenée à casser un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble validant la fouille d’un véhicule libre de son occupant ayant nécessité la casse d’une vitre (Cass. crim. 23 février 2022, n°21-85.050).
L’élément principal empêchant l’évolution de ce texte est probablement lié au fait que la lutte contre la fraude est un objectif de valeur constitutionnelle, outil consistant en des orientations assignées au législateur. De plus, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 a réaffirmé la nécessité de renforcer ce but. Il est évident que le rôle des douaniers n’est pas à sous-estimer. Pour autant, cet objectif ne doit pas devenir un moyen de limiter démesurément les droits et libertés des citoyens.
Dès 1996, la chambre criminelle précisa, concernant la durée des contrôles, qu’ils ne pouvaient dépasser la durée « strictement nécessaire » à ceux-ci (Cass. crim. 6 mai 1996, n°96-80.686). C’est donc sans surprise, après que la Cour de cassation a clairement affirmé la nécessité de réformer le texte en soulevant, sur le fondement de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, l’absence de garanties posées par la loi (Cass. crim. 23 février 2022, n°21-85.050), qu’intervient la présente décision.
D’autre part, dès 1993, la Cour européenne des droits de l’Homme avait jugé les visites et saisies douanières françaises inconventionnelles, estimant que les conditions prévues par la loi « apparaissaient trop lâches et lacunaires pour que les ingérences dans les droits du requérant fussent étroitement proportionnées au but légitime recherché » (Cour EDH, Funke c. France – 10828/84, 25 février 1993 §57).
On peut dire qu’il était temps que le droit positif évolue. Au regard de toutes ces considérations, l’article 60 du Code des douanes est-il conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit ?
Contrôlé le 10 février 2020 au niveau d’un péage autoroutier, M. Mounir transportait, à bord de son véhicule, 47 000€. Les douaniers ont procédé à un contrôle pendant plus de trois heures. Ses droits ne lui ont pas été notifiés et l’autorité judiciaire, gardienne des droits et libertés individuelles, n’a pas été avisée. Dans le cadre d’une procédure pour délit de blanchiment, le tribunal correctionnel de Bourges a transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) portant sur l’article 60 du Code des douanes à l’origine du contrôle, et cette dernière a estimé que les conditions de saisine du Conseil constitutionnel étaient réunies (Cass. crim. 22 juin 2022, n°22-90.008).
Selon le requérant, l’article en cause porte atteinte à la liberté individuelle, à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et aux droits de la défense. Qualifiant ce texte de « fossile », il précise que sans conditions textuelles claires entourant les pouvoirs de contrôle des douaniers, il est sans équivalent dans le droit commun et revient à ce que des contrôles discriminatoires soit de facto réalisés.
Le gouvernement souligne quant à lui l’importance de l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude. En outre, il estime que les lacunes de la loi ont été comblées par les juridictions nationales. En réalité, au regard de leur caractère jurisprudentiel, les conditions posées par ces dernières sont loin d’être satisfaisantes face à un tel pouvoir.
Le Conseil, après avoir entendu ces arguments, conclut à l’inconstitutionnalité de l’article 60 du code de douanes. Le législateur n’aurait selon lui pas opéré une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnel de recherche des auteurs d’infraction et le nécessaire respect de la liberté d’aller et venir et du droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel fait donc primer la protection des libertés : la réalisation des buts nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public ne doit pas se faire aux dépens des libertés.
En transmettant la QPC dans cette affaire, la Cour de cassation a changé sa position. En effet, elle avait considéré, dans un premier temps, que la question de la constitutionnalité de l’article 60 du code des douanes n’était pas sérieuse, elle avait refusé de la transmettre (Cass. crim. 13 juin 2012, n°12-90.025). Elle s’était appuyée, comme le gouvernement dans cette affaire, sur le fait qu’aucune mesure coercitive n’intervenait et que les conditions ajoutées par la jurisprudence permettaient une réponse sans disproportion aux objectifs de valeur constitutionnelle.
En l’espèce, la Cour estime que les pouvoirs des douaniers sont trop importants. Cela est particulièrement vrai si l’on compare avec les dispositions de l’article 78-2 du Code de procédure pénale détaillant les conditions qui entourent un contrôle d’identité réalisé par les officiers de police judiciaire.
Déjà rappelés à l’ordre par la Cour de justice de l’Union européenne lorsque celle-ci affirma, en réponse à une question préjudicielle, que réprimer la fraude ne devait pas impliquer de tourner le dos aux principes même de l’État de droit (CJUE, 2 juin 2016, Aff : C- 81/15), la France est désormais contrainte par le Conseil constitutionnel de faire évoluer sa législation. L’importance de cet arrêt est liée à l’ouverture d’une brèche au sein d’un système focalisé sur la sécurité. La présente décision du Conseil constitutionnel permettra d’enclencher un changement textuel effectif.
En abrogeant l’article 60 du Code des douanes, le Conseil constitutionnel impose au législateur de fixer des limites aux pouvoirs des agents des douanes au détriment de l’objectif de lutte contre la fraude. Il propose notamment que les lieux des contrôles soient encadrés et que les agents des douanes justifient leurs interventions par des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction. Il y a fort à parier que le Parlement s’inspirera du Code de procédure pénale et donc des conditions imposées aux officiers de police judiciaire.
Comme il n’est pas rare qu’il le fasse, le Conseil impose ici un calendrier au législateur. Ce dernier devra modifier le texte dans l’année qui suit, avant le 1er septembre 2023. Le débat apparu suite à la décision de censure différée du régime des gardes à vue refait surface. Est-il bien cohérent de laisser en vigueur un texte inconstitutionnel ? Pour reprendre les mots de Didier Rebut, même si le report des abrogations est un compromis nécessaire, il crée une situation ubuesque. Les recours seront probablement nombreux si le Parlement attend réellement un an avant de modifier le texte.
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