15/07/2025
Depuis 2009, l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix mène sur le territoire normand, ainsi que dans toute la France et à l’international, des projets d’éducation aux droits de l’Homme et à la
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
Affaire : CE, 31 décembre 2024, n°470206
L’ivresse publique constitue une préoccupation majeure pour les autorités, en raison des défis qu’elle pose en matière de sécurité et d’ordre public.
Pour y remédier, la loi Roussel adoptée en 1873 a introduit la procédure d’ivresse publique et manifeste, avec notamment le placement en cellule de dégrisement.
Cette mesure, aujourd’hui codifiée à l’article L3341-1 du Code de la santé publique, permet aux autorités de police de placer un individu en état d’ébriété sur la voie publique en cellule, le temps qu’il recouvre la raison. L’idée est d’éviter qu’il constitue une menace pour autrui ou pour lui-même, et donc de prévenir tout trouble à l’ordre public.
Cependant la nécessité d’un placement en cellule de dégrisement repose essentiellement sur une évaluation personnelle des autorités de police dès lors que l’ivresse publique est appréciée subjectivement par ces derniers au regard des circonstances extérieures découlant de l’ivresse d’un individu comme une démarche titubante, et non par une évaluation objective de l’état d’ivresse tel que le taux d’alcool dans le sang, ce que nous confirme le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012.
Cette mesure de police administrative générale comme le qualifie la décision du Tribunal des conflits du 18 juin 2007 Madame Ousset (C3620) doit en outre être nécessaire, adaptée et proportionnée. Elle est aussi privative de liberté, et donc à juste titre, exceptionnelle puisque le placement en cellule de dégrisement n’intervient qu’en l’absence d’un garant qui puisse se porter responsable de la personne sous ivresse manifeste.
En outre, cette privation de liberté a la particularité d’être contrôlée par le juge administratif étant en principe de courte durée, et non par le juge judiciaire.
En ce sens, le litige relatif à l’existence ou l’absence de cette mesure engage éventuellement la responsabilité administrative de l’État.
Historiquement, cette responsabilité étatique, reconnue dans la décision Blanco(n° 00012)du 8 février 1873 était basée sur une faute lourde de l’agent public, caractérisée par une gravité évidente. Ce régime a été progressivement assoupli, et désormais, la faute simple suffit à engager la responsabilité de l’État dans de nombreux domaines, y compris les activités courantes de police administrative.
La faute commise devra toutefois relever d’une faute de service, celle commise dans l’exercice des missions de l’agent public et revêtir un lien de causalité suffisant avec un préjudice certain et personnel.
En considération de l’ensemble de ces éléments, peut-on reprocher aux autorités de gendarmerie de ne pas avoir enfermé une personne en cellule de dégrisement et par cela mettre en jeu la responsabilité administrative de l’État pour carence fautive des forces de l’ordre ? C’est à cette question atypique que le Conseil d’État a été amené à statuer ce 31 décembre 2024.
En l’espèce, un homme a fait l’objet d’un contrôle sur la voie publique le 7 janvier 2015 aux alentours de 17h20. Les gendarmes, alertés plus tôt par la police municipale qui faisait état de l’ivresse de cet homme et de sa volonté de reprendre sa motocyclette pour rentrer chez lui, se sont contentés de rester une vingtaine de minutes avec lui en l’invitant à rentrer à pied à son domicile, aucun de ses proches ne s’étant porté garant. Une heure après leur départ, l’homme reprit sa motocyclette, conduisit à contresens et eut un accident mortel.
Le Conseil d’État, sans s’attarder sur l’argument invoqué par la cour administrative d’appel de Marseille pour reconnaître son incompétence dans l’affaire, annule les considérants de l’arrêt sur la responsabilité de l’État pour défaut de mise en œuvre de l’article L. 325-1-2 du Code de la route, notant que les requérants ne l’ont jamais invoqué.
En se fondant ensuite sur une interprétation téléologique de l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique, conforté par la décision du Tribunal des conflits Madame Ousset précitée, le Conseil d’État a considéré que cette disposition visait notamment à protéger la personne en état d’ivresse sur la voie publique d’elle-même. Les gendarmes auraient donc dû placer l’homme en cellule puisque son état constaté, sur le moment, par les agents de la police municipale, lui faisait courir des risques graves et immédiats pour sa sécurité.
En ne plaçant pas l’individu en cellule de dégrisement, les gendarmes auraient ainsi commis une faute de service, compte tenu de leur mission de protection des personnes et des biens.
La responsabilité partielle de l’État est en conséquence reconnue à hauteur du tiers des préjudices subis en conjonction d’une faute de la victime, celle de s’être engagée sur la route en contresens avec 6 fois le taux maximal autorisé d’alcool dans le sang.
La mise en jeu de la responsabilité de l’État n’est pas nouvelle en matière de placement en cellule de dégrisement.
Ainsi, des procédures contre la France ont pu être engagées devant la Cour européenne des droits de l’Homme comme dans l’arrêt Taïs contre France rendu le 1er juin 2006 (n °39922/03), à la suite de la mort d’un individu en cellule de dégrisement. Concernant cette affaire, la Cour ne remettait pas en cause le dispositif français de placement en cellule de dégrisement qu’elle jugeait parfois nécessaire. Elle reprochait toutefois à l’Etat français d’avoir manqué à son obligation de protéger la vie des personnes sous sa juridiction conformément à l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en raison des graves négligences des agents de police qui n’avaient pas jugé nécessaire d’entrer dans la cellule de la victime entre 1h et 7h30 du matin, malgré les cris de souffrance de celle-ci jusqu’à ses derniers instants.
L’originalité, en l’espèce, réside dans le fait que l’on ne reproche pas aux gendarmes d’avoir enfermé un individu en cellule de dégrisement mais bien de ne pas l’avoir fait, ce qui a conduit à un accident de route mortel pour ce dernier. Cette décision inédite appelle à quelques remarques.
Comme nous l’avons précisé dans le contexte, les gendarmes apprécient librement l’ivresse publique d’un individu sur la voie publique et ne sont tenus d’aucune évaluation objective pour décider du placement ou non d’un individu en cellule de dégrisement.
Le Conseil d’État aurait ainsi pu écarter toute responsabilité de l’État au regard du seul procès-verbal rédigé par les gendarmes qui constatait « un état très calme » de l’individu. Les conseillers d’État font toutefois le choix contraire. Ils établissent par cela une obligation pour l’État de protéger ses ressortissants en état d’ivresse manifeste par une mesure de privation de liberté, évaluée en toute subjectivité par des agents de police sur la voie publique.
Si la nécessité de protéger les individus en état d’ivresse manifeste peut justifier la solution des conseillers d’Etat, des risques potentiels de dérives existent. L’évaluation subjective de l’état d’ivresse par les agents de police sur le terrain, sans critères clairs et objectifs, pourrait ainsi mener à des privations de liberté abusives ou même discriminatoires sous le prétexte de protéger les individus de leur propre excès.
Il est donc crucial de définir un critère objectif pour évaluer l’ivresse manifeste au sens de l’article L3341-1 du Code de la santé publique. Cela réduirait le risque de privation arbitraire de liberté pour l’individu et diminuerait les risques de condamnation ou a minima de compensation équitable pour l’État devant la Cour européenne des droits de l’homme, comme ce fut le cas dans Castelot contre France (24 avril 2008, n°12332/03).
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