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Dans le cadre de la semaine de jury international du Prix Liberté, Fiona Schnell, directrice générale de l’Institut, a donné un cours de droit international aux 23 jeunes réunis. Une prise de parole neutre et ouverte ayant pour but de leur offrir un premier regard et des outils théoriques pour les aider à appréhender leur mission et qui n’a pas vocation à orienter leurs réflexions. 

Il est essentiel pour les jeunes du jury de garder à l’esprit d’avoir une lecture de la liberté sous le prisme de l’interprétation personnelle, essentielle au Prix Liberté mais il est indispensable dans le rôle de juré d’avoir à l’esprit l’approche scientifique de ce qu’est la liberté dans un contexte du droit international.

Le droit international public est un ensemble de règles et de principes destinés à régir les relations entre les États, les organisations internationales et, dans certains cas, les individus. Il vise à assurer la coexistence pacifique et la coopération entre les nations. Toutefois, la question de son effectivité se pose, car bien qu’existant, il peine souvent à être appliqué de manière uniforme et contraignante.

Le principal défi du droit international n’est pas son existence, mais son effectivité. Contrairement au droit interne, il ne repose pas sur un pouvoir central coercitif mais sur la volonté des États. Son application dépend souvent de la reconnaissance des juridictions internationales, du respect des engagements pris dans les traités et de la pression diplomatique.

D’un point de vue philosophique, l’effectivité du droit international interroge sur la nature même du droit : peut-il être considéré comme contraignant sans un pouvoir centralisé capable de l’imposer ? Les théories positivistes du droit insistent sur la nécessité d’un organe coercitif pour garantir son application, tandis que les approches plus normatives mettent en avant le rôle des valeurs, du consensus et de la pression sociale comme leviers d’application.

Le droit international a évolué pour inclure des normes protectrices des droits de l’homme, notamment via :

  • Les conventions internationales : comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
  • Les mécanismes juridictionnels : tels que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Cour pénale internationale (CPI), qui jugent les violations graves.
  • Les organisations internationales : comme l’ONU, qui œuvre à la protection des populations civiles et des réfugiés.

A cela s’ajoute le corpus du droit national de chaque Etat.

Toutefois, les violations des droits de l’Homme persistent faute de moyens coercitifs efficaces, comme en témoignent les crises humanitaires en Afghanistan et au Soudan.

Le droit international humanitaire, qui régit les conflits armés, repose sur des traités comme les Conventions de Genève. Il vise à protéger les populations civiles et à limiter les moyens et méthodes de guerre en temps de conflit armé. Son application est entravée par :

  • Le non-respect par des États et des groupes armés
  • L’absence de mécanisme de sanction immédiat : bien que des tribunaux internationaux existent, les poursuites sont souvent longues et complexes.

Le phénomène de globalisation influe directement sur les capacités concurrentielles des Etats. En réponse à ce processus, on observe des manifestations très vives, parfois armées, des revendications particularistes.

Le lien national entre l’Etat et ses citoyens est aujourd’hui fondamentalement remis en cause, car les allégeances des citoyens sont de plus en plus instrumentalisées et sont devenues largement utilitaristes. Le lien d’allégeance nationale se construit sur des opportunités professionnelles ou familiales, et pas sur le lieu de naissance.

La prolifération des organisations internationales régionales dans les secteurs économiques, militaires montre que les Etats sont dorénavant contraints de reconnaître qu’ils font parties d’un ensemble, qui va très vite les dépasser. Cela a des conséquences immédiates sur leurs capacités, de puissance, d’influence, de normes et de valeurs. La remise en question de l’ordre international en est une conséquence. 

Or, dans ce contexte mondialisé, la coercition n’est pas le seul mode opératoire des stratégies et politiques de sécurité. L’incitation, tout en visant les mêmes fins que la coercition, offre aux Etats tiers des opportunités, des solutions positives, des perspectives de coopération, lesquelles créent les conditions de la paix et de la sécurité internationale.

A ce titre, la paix par la démocratie est une stratégie incitative, à condition évidemment de ne pas imposer la démocratie par la force. Cette stratégie est basée sur le postulat selon lequel les démocraties ne se battent pas entre elles, postulat que l’on rattachera à la théorie de la paix démocratique d’Emmanuel Kant (Vers la paix perpétuelle, 1795). C’est le caractère démocratique des Etats qui garantit l’état de paix, selon le philosophe.

Point focus : Relativisme culturel et Droit international

Le droit international, et notamment la conception universelle des droits de l’homme et de la démocratie, est parfois confronté à la question du relativisme culturel. Cette approche soutient que les normes et valeurs ne sont pas universelles mais doivent être comprises dans leur contexte culturel et historique spécifique.

  • Les critiques du modèle occidental des droits de l’homme : Certains États et groupes estiment que les principes des droits de l’Homme sont influencés par une vision occidentale et ne prennent pas en compte les particularités culturelles locales.
  • Les tensions entre universalité et diversité culturelle : Par exemple, des pays invoquent des traditions religieuses ou coutumières pour justifier des pratiques contraires aux droits de l’Homme, comme la peine de mort ou certaines discriminations de genre. Le socle commun, rapproché de l' »irréductible humain » définie par Boutros Boutros-Ghali, est une base universelle qui ne transcende l’être humain au delà de son attachement culturel. 
  • Le rôle du dialogue interculturel : Malgré ces divergences, le droit international tente de concilier le respect des cultures avec des principes fondamentaux comme l’interdiction de la torture, la protection des minorités et l’égalité des sexes qui sont des règles transculturelles. 

Le questionnement du Droit international : entre clivages et contestations

Le droit international fait aujourd’hui face à une remise en question croissante. Plusieurs tendances actuelles en fragilisent l’application :

  • La montée des clivages géopolitiques : des puissances comme la Chine, la Russie ou les États-Unis contestent certaines décisions internationales et appliquent de manière sélective le droit international.
  • La remise en cause de la Cour pénale internationale (CPI) : certains États accusent la CPI de partialité dans le choix de ses affaires, tandis que d’autres grandes puissances comme les États-Unis ou la Russie refusent de reconnaître sa juridiction. Le gel des avoirs des employés de la CPI est un signal international. 
  • Le manque de moyens coercitifs : malgré l’existence de tribunaux internationaux et de résolutions onusiennes, l’absence d’une force exécutive internationale et le niveau du régime des sanctions internationales empêchent souvent l’application effective du droit.

Ainsi, les enjeux philosophiques liés à son effectivité montrent que le droit international n’est pas une simple construction juridique, mais un outil normatif soumis aux rapports de force internationaux et aux évolutions des relations entre États et acteurs non étatiques. 

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