03/07/2025
L’équipe de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix a sélectionné ses coups de cœurs du mois de juin à regarder, écouter et lire.
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et le Master Droit des libertés de l’UFR Droit de l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Zoé CASPAR
Etudiante en Master Droit des libertés de l’UFR Droit
de l’Université de Caen Normandie
Affaire : Conseil constitutionnel, déc. n°2021-932, 23 sept, 2021
Le législateur, dans un souci de lutter contre les profits tirés d’une infraction, a multiplié les lois afin de pouvoir saisir et confisquer les profits illicites, notamment les lois n°2013-1117 du 6 décembre 2013 ; n°2009-1437 du 24 novembre 2009 et la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013.
L’article 131-21 du Code Pénal prévoit que “tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction” peuvent faire l’objet d’une confiscation. Cette peine complémentaire s’applique également aux biens dont le condamné a la libre disposition,“sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.”. Cette peine est notamment prévue pour les délits d’escroquerie (C. Pénal, art. 313-7 4°) et de blanchiment (C. Pénal, art. 324-7 8°).
En étendant le champ de cette peine complémentaire, la loi n’a pas pour autant prévu des garanties pour le propriétaire de bonne foi du bien objet de la confiscation.
C’est cette lacune qui donne lieu à une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) renvoyée par la Cour de Cassation (Cass, crim., 16 juin 2021 n°20-87.060) au Conseil Constitutionnel (ci-après C.Constit.).
Les requérantes (les sociétés tierces propriétaires) dénoncent la méconnaissance dans les articles litigieux du principe du contradictoire, des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif, protégés par l’article 16 de la Déclaration de 1789. En soulevant l’incompétence négative du législateur, elles dénoncent les vides juridiques relatifs à la violation du droit de propriété et l’absence de recours contre la confiscation de leurs biens. La loi permet en effet au juge de prononcer la confiscation sans permettre au tiers propriétaire des biens de comparaître ou présenter des recours contre la décision.
Le C.Constit constate qu’aucune disposition ne prévoit “que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi. “ (§ 15). La faculté de confisquer un bien dont le condamné a seulement la libre disposition est donc déclarée inconstitutionnelle .
Pour éviter des conséquences manifestement excessives de sa décision, le C.Constit diffère l’abrogation des articles en cause au 31 mars 2022, non applicable au litige en cours ici.
Afin de contrecarrer l’utilisation de cette technique, les requérants demandaient un renvoi préjudiciel à la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après CJUE), estimant que l’effet différé de la décision prononçant l’inconstitutionnalité porterait atteinte au droit de l’Union Européenne. Cet argument est écarté aux motifs qu’il n’entre pas dans les attributions du C. constit. “d’examiner la compatibilité des dispositions déclarées contraires à la Constitution avec les traités ou le droit de l’Union européenne” (§18) et que la question ne porte pas sur la validité ou l’interprétation d’un acte pris par les institutions de l’Union Européenne.
A compter du 31 mars 2022, le juge pénal ne pourra plus confisquer un bien dont le condamné n’a que la libre disposition, sauf si, avant cette date, la loi a prévu des garanties au profit du propriétaire de bonne foi dudit bien, lui permettant d’être mis en mesure de se défendre.
Cette décision était prévisible, car la question avait déjà été posée pour d’autres infractions. Dans une affaire de proxénétisme aggravé, au titre de peine complémentaire, plusieurs membres d’une famille s’étaient vu confisquer des biens dont ils n’avaient que la libre disposition. Une QPC fut présentée, soulevant l’inconstitutionnalité de cette peine car les tiers propriétaires de bonne foi n’étaient pas convoqués ni avisés de la procédure. Dans sa décision QPC 2021-899 du 23 avril 2021 le C.Constit avait déclaré contraires à la Constitution les mots « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition » de l’article 225-25 du code pénal.
Aucune disposition de la Constitution ne garantit explicitement les droits de la défense mais l’évidence constitutionnelle du respect de ceux-ci a été institutionnalisée en les rattachant à la “garantie des droits” protégée par l’article 16 de la Déclaration de 1789.
M. Jean-Louis DEBRE dans son discours du 4 décembre 2009 rappelle-lui même le lien indispensable entretenu alors entre la QPC en devenir, et le respect des droits de la défense « avec la question prioritaire de constitutionnalité il y aura un véritable procès de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel et une véritable audience publique. Cela correspond à une exigence qui a des fondements constitutionnels dans l’article 16 de la Déclaration de 1789. Elle répond également aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme”.
Cette déclaration rappelle que les droits de la défense sont une tradition française respectée depuis toujours par le C.Constit. Cette prise de position constante du respect du principe du contradictoire n’apparaît pas étonnante.
Toutefois le caractère inébranlable de cette protection des droits de la défense semble à nuancer.
Les neuf Sages font le choix de moduler dans le temps, les effets de cette décision.
L’effet différé est souvent utilisé par le C.Constit, et cela même avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (Décision n°2008-564 DC du 19 juin 2008). Cela permet d’éviter les conséquences manifestement excessives d’une abrogation directe et non préparée, d’une disposition. Dans sa décision Chessa c. France 76186/11, la Cour Européenne des Droits de l’Homme précise ses décisions antérieures en acceptant ce report temporel s’il est justifié et non arbitraire.
Cependant, la doctrine demeure énormément critique à ce sujet. Déclarer une disposition inconstitutionnelle, en la laissant dans l’ordonnancement juridique pendant un temps défini, semble déjà perturbant ; mais reconnaître l’inconstitutionnalité de la disposition, ignorant de ce fait l’article 16, sans l’appliquer à la situation du requérant apparaît éminemment discutable.
La technique de l’effet différé appliquée à cette décision inconstitutionnelle semble heurter certains principes de l’Etat de droit et de la sécurité juridique. Cela crée une situation paradoxale afin d’éviter un vide juridique et permettre au législateur de corriger les dispositions inconstitutionnelles.
En incluant la CJUE à la QPC, dans l’hypothèse où la Cour déclare contraires au droit de l’Union Européenne les dispositions litigieuses, les requérants ont voulu dénoncer cette pratique de moduler dans le temps le respect des droits de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
En réaffirmant que seules les juridictions administratives et judiciaires peuvent réaliser un contrôle de conventionnalité des dispositions déclarées contraires à la Constitution (d’après sa décision n°74-54 DC) ; il semble avoir trouvé une réponse efficace en déclarant l’incompétence d’attribution de la CJUE, lui permettant ainsi de réaffirmer sa supériorité juridique dans le système français.
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