15/07/2025
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L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Lucile LENOURY
Etudiante en Master Droit des libertés de l’UFR Droit
de l’Université de Caen Normandie
Affaire : Cour EDH, déc., 6 octobre 2022, Thevenon c. France, 46061/21
Face à la pandémie de covid-19 ayant touché la population mondiale depuis la fin de l’année 2019, la France a été amenée à prendre des mesures afin d’éviter la propagation de ce nouveau coronavirus sur le territoire français, et réduire les conséquences des menaces sanitaires. Suivant les préconisations de la Haute Autorité de Santé, un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire fut élaboré, prévoyant l’instauration d’une obligation vaccinale à l’égard de certains professionnels et notamment des sapeurs-pompiers et marins-pompiers des services d’incendie et de secours. Ce projet fut d’ailleurs soumis à la section consultative du Conseil d’État qui émit un avis favorable le 19 juillet 2021, bien qu’il fit part de son regret de n’avoir eu qu’une semaine pour procéder à l’examen du projet.
La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises anticipa la promulgation de la loi du 5 août 2021 et présenta les modalités de mise en œuvre de l’obligation vaccinale des sapeurs-pompiers et des marins-pompiers en instaurant une période transitoire plus souple jusqu’au 15 septembre 2021, date à partir de laquelle, les intéressés se devaient de justifier de l’injection d’une première dose du vaccin, les agents ne satisfaisant pas à cette obligation s’exposant à une suspension de leur fonction.
Le requérant est lui-même sapeur-pompier professionnel et refuse de se faire vacciner. En conséquence, à la date butoir, un arrêté est pris, le suspendant de ses fonctions. Le requérant se voit alors priver de son activité professionnelle ainsi que de sa rémunération et introduit une requête individuelle portant sur la contradiction entre la loi du 5 août 2021 et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au droit à une vie privée et familiale.
Le requérant soutient qu’il ne pouvait introduire de recours devant les juridictions internes dans la mesure où il conteste la compatibilité de mesures législatives et administratives avec la Convention : il estime que tout recours introduit par lui aurait été vain ou ineffectif. De plus, il ne disposait d’aucune voie pour contester la loi litigieuse dans la mesure où une question prioritaire de constitutionnalité ne peut jamais être posée directement au Conseil constitutionnel – elle est d’abord soumise à un premier examen par le juge saisi avant qu’il ne l’envoie au Conseil d’État qui effectuera à son tour un examen plus approfondi de la Question avant de la transmettre, s’il l’estime pertinent, au Conseil constitutionnel. Également, le décret d’application ne comportant pas de dispositions relatives aux sapeurs-pompiers, il lui était impossible d’attaquer cet acte dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, l’intérêt à agir n’étant pas constitué.
Le Gouvernement français estime quant à lui que le pourvoi du requérant est irrecevable dans la mesure où les voies de recours lui étant ouvertes au niveau national n’ont pas été épuisées. En effet, le décret d’application de la loi contestée aurait dû faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, recours qui aurait pu être assorti d’une contestation par voie d’exception de la conformité de la loi avec la Convention. Le Gouvernement précise que, si dans son avis du 19 juillet 2021, le Conseil d’État n’a pas opposé d’objection à la loi qui lui était déférée, cela n’empêchait pas pour autant le requérant de le saisir de ce même texte, la section du contentieux examinant les requêtes transmises au Conseil d’État n’étant pas la même que celle chargée de rendre des avis au Gouvernement.
La cour rappelle que sa compétence n’est que subsidiaire par rapport à celles des juridictions nationales des États parties. Ce principe est d’ailleurs introduit dans le préambule de la CEDH par le Protocole n°15, même s’il ne s’agit que d’une officialisation puisque du fait de leur généralité et de leur caractère déclaratif, les préambules de traités n’ont pas de valeur normative. En l’espèce, la Cour estime que l’avis rendu par le Conseil d’État sur la loi du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire, ne pouvait être considéré comme constituant un préjugement liant la section contentieuse et rendant vaine l’introduction d’un recours par le requérant. Ainsi, elle déclare la requête irrecevable pour défaut d’épuisement des voies de recours internes.
La Cour revient sur un point important de la juridiction administrative française : la dualité fonctionnelle du Conseil d’État. En effet, avant d’être un juge, le Conseil d’État est historiquement un conseiller du Gouvernement et est chargé à ce titre de rendre des avis sur les projets de lois avant leur promulgation. À cet égard, le requérant craignait que sa tentative d’introduire un recours devant le Conseil d’État ne soit vaine et soulignait le défaut d’indépendance et d’impartialité de la section contentieuse, qui ne pouvait qu’être influencée par l’avis favorable rendu par la section consultative.
La Cour a déjà eu à se prononcer sur des questions similaires et c’est à ce titre que, dans son arrêt Procola contre Luxembourg de 1995, elle s’était efforcée de déterminer si l’avis rendu par le Conseil d’État luxembourgeois pouvait constituer une sorte de pré-jugement de la décision contestée. Si la violation de l’article 6 de la CEDH était bien constituée dans l’affaire Procola, la Cour a retenu dans son arrêt Sarcilor-Lormines contre France de 2006 que, pour le Conseil d’État français, aucun membre de la formation de jugement ne faisait partie de la section ayant rendu l’avis et que les craintes quant à l’indépendance et à l’impartialité de la formation de jugement n’étaient pas objectivement justifiée. L’arrêt Thevenon ne vient donc que confirmer la jurisprudence constante de la Cour EDH et celle du Conseil d’Etat qui s’appuie sur cette présomption d’impartialité et donc le défaut de caractère sérieux, pour refuser la transmission des QPC portant sur l’influence des avis de la section consultative sur les jugements de la section contentieuse (CE, 16 avril 2010, Alcaly, n° 320667).
En outre, la décision d’irrecevabilité de la Cour n’est pas surprenante dans la mesure où l’article 35 de la Convention EDH prévoit que « la cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes », disposition à mettre en parallèle avec l’article 13 sur le droit à un recours effectif. La juridiction de Strasbourg a de nombreuses fois prononcé l’irrecevabilité pour ce motif et notamment dans son arrêt sur l’affaire Vuckovic et autres contre Serbie du 25 mars 2014. En revanche, on peut trouver regrettable que la Cour ne se soit pas prononcée sur le fond, sa position sur l’obligation vaccinale instaurée par de nombreux États pour faire face au covid-19 étant attendue par beaucoup. En effet, si la Cour de Strasbourg a récemment validé la conformité à l’article 8 de la Convention d’une loi tchèque imposant à tous les résidents de République Tchèque de se soumettre à un ensemble de vaccinations de routine (arrêt Vavřička et autres c. République Tchèque), le contexte particulier de la crise sanitaire permet de se demander si la solution retenue par la Cour dans l’affaire Vavřička aurait été la même concernant les diverses mesures prises par les États européens pour faire face à la pandémie.
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