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Le concours lycéen de plaidoiries pour les droits de l’Homme est un projet pédagogique qui permet à des jeunes de mettre en lumière et de dénoncer des cas précis de violations des droits de l’Homme à travers le monde.
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
Article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
Au nom de la présomption d’innocence et du droit de ne pas s’auto-incriminer, toute personne suspectée ou poursuivie doit être informée du droit de se taire préalablement à tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire selon l’article préliminaire du Code de procédure pénale (ci-après CPP) depuis la loi dite confiance du 22 décembre 2021. La jurisprudence du Conseil constitutionnel (ci-après Conseil) rappelle régulièrement le caractère constitutionnel de ce droit fondé sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (ci-après DDHC) dans ses décisions (décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 – § 28 et 29, décision n° 2016-594 QPC du 4 novembre 2016 – § 8, décision n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021 – § 8,décision n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021 – § 13). C’est d’ailleurs sous l’impulsion de cette jurisprudence que la notification du droit de se taire a été généralisée et insérée dans le CPP.
 Le droit de garder le silence s’est longtemps limité au champ pénal. La loi pourtant compétente dans le domaine des garanties fondamentales des fonctionnaires civils et militaires (article 34 de la Constitution) n’a pas jugé utile d’en faire bénéficier les fonctionnaires soumis à des procédures disciplinaires. Ni l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 (ci-après loi de 1983), ni l’article L. 532-4 du Code général de la fonction publique (ci-après CGFP) déterminant les droits des fonctionnaires lors d’une procédure disciplinaire n’ont garanti ce droit. La 1ère disposition citée prévoyait notamment le droit d’accès pour le fonctionnaire à son dossier complet et sa notification par l’Administration. De plus, aucune sanction autre que celle du 1er groupe ne pouvait être prononcée sans consultation préalable d’un conseil de discipline avec représentation du personnel. La 2ème disposition citée prévoyait aussi ce droit à la communication du dossier accompagné de l’obligation de l’Administration de notifier ce droit ainsi que le droit à l’assistance de défenseurs du choix du fonctionnaire.
Le droit de se taire et l’obligation de notifier ce droit aux personnes soumises à une procédure disciplinaire ont été par la suite consacrés par le Conseil, par un obiter dictum, dans sa décision QPC du 8 décembre 2023 n°2023-1074. En effet, un peu plus tôt dans l’année, le Conseil d’État (ci-après CE), se fondant sur l’ancienne jurisprudence du Conseil, avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) portant sur une possible application du droit de garder le silence en matière disciplinaire (décision du 23 juin 2023 n°473249). Le Conseil a donc dû établir cette règle dans une décision dans laquelle elle n’avait pas lieu de s’appliquer afin de faire obstacle à la jurisprudence du CE.
Le requérant soutient que l’article 19 de la loi de 1983 et l’article L. 532-4 du CGFP méconnaitraient le droit de se taire du fonctionnaire faisant l’objet d’une procédure disciplinaire pour ne pas imposer aux autorités disciplinaire de l’informer de ce droit. Les déclarations du fonctionnaire faites à cette occasion peuvent être utilisées contre lui. L’autre partie à l’instance et la partie intervenante soutiennent d’autres atteintes aux droits de la défense (§6) sans qu’elles soient examinées par le Conseil.
 Dans sa décision du 4 octobre 2024, le Conseil suit l’argumentaire du requérant et déclare non conforme à la Constitution les dispositions législatives mises en cause. Il reprend mot pour mot le § 9 de sa décision du 8 décembre 2023 : en se fondant sur l’article 9 de la DDHC, le droit de se taire s’applique à toute sanction ayant le caractère d’une punition, ce qui implique un professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires.
Le §12de la décision explique qu’aucune disposition législative ne prévoyait le droit de garder le silence et son information pour un fonctionnaire soumis à une procédure disciplinaire. Or, la procédure disciplinaire prévue incluait la possibilité de consulter un conseil de discipline. Devant cette instance, le fonctionnaire peut reconnaitre ses manquements et ainsi s’accuser. De ce fait, l’autorité disposant du pouvoir de sanction aurait pu connaître, par le biais de cette instance, les propos du fonctionnaire. Dès lors, le droit de garder le silence appliqué à ces litiges permet de reconnaître et de prévenir leurs conséquences, souvent lourdes, sur la vie professionnelle des fonctionnaires et autres professionnels.
L’abrogation des dispositions inconstitutionnelles est repoussée au 1er octobre 2025. En attendant, tout fonctionnaire faisant l’objet d’une procédure disciplinaire doit être informé de son droit de se taire devant tout conseil de discipline. La décision est invocable devant les instances en cours au jour de la publication de la présente décision.
 Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence de 2023 (QPC du 8 décembre 2023) relative à une action disciplinaire contre un notaire devant un tribunal judiciaire. Dans cette affaire, le Conseil n’a fait pas droit aux demandes du requérant au motif que les dispositions en cause étaient de nature règlementaire (§ 12), mais il a posé le principe de l’application du droit de se taire au-delà du champ pénal, en matière disciplinaire. C’est pourquoi en 2024 le CE a dû transmettre la QPC portant sur le droit de se taire d’un fonctionnaire lors d’une procédure disciplinaire (décision du 4 juillet 2024 n°493367). Le droit de garder le silence, indissociable du droit de ne pas s’accuser, s’applique désormais aux matières pénale et disciplinaire, du secteur public et privé. Le Conseil motive sa décision par référence à la notion de « sanction ayant le caractère de punition » (§ 9). Il s’agit de toute mesure législative à finalité répressive, qui, quoique non pénale, doit toutefois, sous peine d’inconstitutionnalité, être soumise aux principes de légalité des délits et des peines, de nécessité des peines, de non-rétroactivité de la loi nouvelle de fond plus sévère, au respect des droits de la défense (Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989), ainsi que, comme l’illustre la décision, au droit de se taire et de ne pas s’accuser.
Cette jurisprudence était déjà appliquée par les juridictions du fond. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans une ordonnance du 1er février 2024 (n°2400163), a suspendu la sanction de retrait pour un an de la carte professionnelle d’un taxi à qui le droit de se taire n’avait pas été notifié (§ 10, 11 et 13, article 1er de l’ordonnance). La Cour Administrative d’Appel de Paris a rendu un arrêt dans le même sens pour un aide médico-psychologique sanctionné disciplinairement sans avoir été informé de son droit de garder le silence (CAA PARIS, 2 avril 2024).
Cette vision extensive ne se retrouve pas en droit européen. Le droit de se taire de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme est cantonné au volet pénal de l’article. Dans l’arrêt Albert et le compte c. Belgique de 1983, la Cour juge que la discipline professionnelle relève de la sphère civile (§ 30) excluant donc le volet pénal. Elle l’admet cependant pour des infractions administratives (Lutz c. Allemagne 1987) . Du côté de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu le droit de se taire lors d’une procédure administrative pour une personne qui pourrait, à l’issu, voire sa responsabilité pénale engagée dans un arrêt du 2 février 2021.
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