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L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Yann-Yves Gaudet
Etudiant en Master 2 Droit des libertés
à l’Université de Caen Normandie
« En Europe continentale, le principe de dignité occupe une place prééminente au regard même du principe de liberté individuelle. Ainsi, il peut être apporté des restrictions individuelles au nom du respect du principe de dignité, alors que la situation inverse n’est pas admise » (B. MATHIEU, « Chapitre 6. La dignité, principe fondateur du droit », Journal international de bioéthique, 2010/3 (Vol.21), pp 77-83). Si son importance ne semble plus remise en cause, les implications juridiques du respect de la dignité humaine restent sujettes à débat. Le principe de dignité constituant un « principe matriciel », la question se pose de savoir s’il justifie à lui seul la restriction de l’exercice des droits qu’il engendre.
C’est l’objet du pourvoi en l’espèce. Lors d’une exposition organisée par l’association Fonds régional d’art contemporain de Lorraine (« FRAC de Lorraine »), des écrits faisant état de sévices exercés par des parents contre leurs enfants sont affichés.
L’Association générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (« l’AGRIF ») a d’abord saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance sur le fondement de l’article 227-24 du code pénal, qui a décidé d’un classement sans suite. Elle a alors recherché la responsabilité civile du FRAC de Lorraine et demandé la réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs qu’elle a pour objet de défendre, ici la dignité de la personne. Est donc en cause la liberté d’expression, consacrée à l’article 10 ConvEDH, à laquelle on oppose le respect de la dignité humaine, essence même de la Convention (CEDH, 22 novembre 1995, S.W. c. Royaume-Uni, n° 20166/92).
À l’audience, les parties s’accordent sur le caractère cardinal de la dignité de la personne humaine, celle-ci transcendant tous les autres principes. Là où les opinions divergent, c’est quant à son articulation avec les autres droits.
Pour le demandeur, la dignité, en tant que « fondement de tous les droits », ne peut être mise en balance avec aucun autre droit. La violation de la dignité de la personne humaine justifierait donc sanction dès lors qu’elle serait caractérisée par le tribunal. Alors, l’article 16 du code civil, en ce qu’il prohibe toute atteinte à la dignité, deviendrait un fondement autonome d’un constat de violation.
De plus, le Conseil d’État a considéré que l’atteinte à la dignité de la personne humaine constitue une atteinte à l’ordre public (CE ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, n° 136727).
L’article 10 § 2 ConvEDH précise les motifs de restriction de la liberté d’expression. On y retrouve notamment la « défense de l’ordre ». C’est sur ce point que le demandeur appuie sa demande. Dès lors, puisque le respect de la dignité de la personne humaine constitue une restriction à la liberté d’expression, la Cour de cassation devrait reconnaitre l’existence d’un préjudice lorsque l’exercice de la liberté d’expression résulte en son atteinte.
Le défendeur invoque la liberté d’expression de l’artiste. La liberté d’expression artistique fait en effet l’objet d’une protection renforcée (Cour d’appel de Versailles, 18 février 2016, n° 15/02687 ; CEDH, 11 mars 2014, Jelsevar et a. c. Slovénie, n° 47318/07).
Dans un colloque relatif à la dignité humaine et au juge administratif, Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d’État, expliquait que la dignité devait être « regardée comme un attribut de la personne, qui sauvegarde sa liberté et limite les droits des pouvoirs et des tiers, et comme un attribut du genre humain dans son ensemble qui protège la personne humaine […] et assigne des limites à sa liberté ». C’est sur cette ambivalence que le défendeur souhaite attirer l’attention de l’Assemblée plénière. Puisqu’elle constitue une matrice en ce qu’elle donne une cohérence au corpus de droits fondamentaux, elle « ne saurait prévaloir sur eux de manière générale et absolue ». Ainsi, elle s’aborderait plutôt comme un point de définition qui leur est commun. Dès lors, il serait contraire à son essence même de la consacrer comme constituant un fondement autonome de restriction à un de ces droits, en l’espèce la liberté d’expression.
La Cour de cassation rappelle la protection renforcée accordée à la liberté d’expression artistique (Jelsevar et autres c. Slovénie, précité). Elle procède ensuite à une lecture de l’article 10 § 2 ConvEDH, qui énumère les possibilités de restriction de la liberté d’expression. L’estimant exhaustif, elle relève que la dignité de la personne humaine n’est pas au nombre des « devoirs et des responsabilités » (CEDH, ass. plén., 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72), et accessoirement la lettre même de l’article) qu’implique la liberté d’expression, dans sa forme consacrée par la Convention. Dès lors, elle en déduit que la dignité de la personne humaine ne constitue pas un fondement autonome de restrictions à la liberté d’expression. Elle en tire alors pour conséquence que l’article 16 du code civil, consacrant « l’inviolabilité » de la dignité de la personne humaine, ne saurait justifier à lui seul une telle restriction et ne constitue pas une base légale suffisante à la reconnaissance d’une faute civile.
« Dans la panoplie des droits fondamentaux, la dignité de la personne humaine est un surplus et un supplément, sinon d’âme, du moins de vision de ces droits. Elle ne saurait se transmuer ou se dégrader en amputation ou en substitut. » La Cour de cassation semble s’approprier les propos de Jean-Marc Sauvé (in Dignité et juge administratif, précité) en refusant que puisse être reconnue une faute au seul regard de l’article 16 du code civil.
Cette espèce n’est pas sans rappeler une affaire similaire, aboutissant à une solution différente : une exposition, mettant en scène des cadavres, avait été interdite au seul motif qu’elle portait atteinte à la dignité du corps humain (1re civ., 16 septembre 2010, n° 09-67.456). Quand bien même les griefs se rapprochent, l’objet des recours est diffèrent : alors qu’il s’agissait à l’époque d’obtenir l’interdiction de la tenue de l’exposition, il s’agissait ici pour l’association d’obtenir réparation de son préjudice. A ce propos, l’Assemblée plénière avait déjà reconnu que l’indemnisation d’un préjudice ne pouvait se justifier uniquement sur l’atteinte à la dignité (Ass. plén., 25 octobre 2019, n° 17-86.605). Quand bien même l’AGRIF aurait demandé la cessation de l’exposition, celle-ci n’aurait surement pas été accueillie. En effet la Cour de cassation avait estimé que dans l’exposition Our body, à corps ouverts, l’atteinte à la dignité était caractérisée par l’entrée payante : l’exposition du FRAC de Lorraine étant gratuite, la Cour n’aurait pas reconnu de violation.
Le juge administratif a lui aussi été confronté à des problématiques similaires. De par son office, il est amené à se prononcer sur la légalité de mesures de police administratives, par définition préventives. Ainsi, il a reconnu qu’une représentation puisse être interdite en ce qu’il était possible que des propos attentatoires à la dignité soient tenus et « que des infractions pénales soient commises », a fortiori lorsque de tels agissements ont eu lieu lors d’un précédent spectacle (CE, référé, 9 janvier 2014, n° 374508). Hypothétiquement, l’AGRIF aurait pu voir sa demande d’interdiction de l’exposition accueillie par le juge administratif, si elle avait été capable de démontrer devant lui une probable atteinte à la dignité.
A propos de la dignité, Patrick Frydman, Commissaire du gouvernement dans l’affaire Morsang-sur-Orge, avertissait dans ses conclusions que son « utilisation abusive ne manquerait pas de mettre en péril la liberté d’expression ». Dans son office préventif, le juge administratif s’assure de la réalité et de la gravité de son atteinte. La solution de la Cour de cassation est plus radicale : en excluant un recours du champ d’invocation de la dignité, elle assoit un peu plus son rôle de juridiction suprême de l’ordre judiciaire et se protège d’une application hasardeuse du juge du fond.
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