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L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
Affaire : Conseil d’État, 19 novembre 2024, OFPRA, n°488034
Si l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 consacre le droit de chercher l’asile et d’en bénéficier, il n’impose en aucun cas de l’obtenir. Ce droit reste alors soumis à la compétence discrétionnaire des États qui contrôlent l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire.
Le réfugié est défini par le paragraphe A, 2° de l’article 1er de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés , amendée par le Protocole de New York de 1967, comme toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». En application de ces critères, la France apprécie en toute souveraineté les demandes d’asile formées sur son territoire et vérifie la véracité des craintes selon sa propre procédure.
La définition de la Convention de Genève englobe le réfugié mineur pour lequel il n’est pas prévu de statut particulier. Cependant, le mineur n’est pas un sujet de droit comme les autres. En France, le mineur, défini à l’article 388 du code civil (C.civ.) comme une personne de moins de 18 ans, est incapable juridiquement (art. 1146 C. civ.). Pour accéder à toute procédure judiciaire ou administrative il doit être représenté (art. 388-1-1 C. civ.). Cela inclut l’accès aux procédures d’asile pour lesquelles le mineur, qu’il soit seul, ou accompagné de ses père et mère, doit bénéficier « de la protection et de l’assistance humanitaire voulues », comme le prévoit l’article 22 de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.
La directive 2013/33/UE du Parlement et du Conseil de 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale définit, en son article 2 (e), le mineur non accompagné comme « tout mineur qui entre sur le territoire des États membres sans être accompagné d’un adulte (…)». L’article 24 de la directive oblige les États à leur désigner un représentant pour leur permettre d’accéder aux procédures de demande de protection internationale. La Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) les considère comme les personnes les plus vulnérables de la société et devant bénéficier, à ce titre, de garanties spéciales (Cour EDH, 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce, n°8687/08). En outre, le Haut Commissariat aux réfugiés recommande, dans son guide sur les procédures et critères à adopter pour déterminer le statut de réfugié (§214), que le mineur, n’ayant pas la pleine capacité juridique, soit accompagné par un tuteur pour préserver au mieux ses intérêts.
Pour répondre à la législation et à la jurisprudence européenne, l’article 222-5-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) impose aux services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) d’accompagner le mineur isolé dans sa demande d’asile. Si un mineur dépose directement une demande d’asile sans être représenté, l’article L.521-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) impose qu’un administrateur ad hoc lui soit immédiatement désigné. Dans les deux cas, le représentant devra être présent lors de l’entretien individuel obligatoire du demandeur d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et des demandeurs d’asile (OFPRA), prévu à l’article L.531-12 CESEDA, dont le but est de déterminer la véracité des craintes de persécutions.
Le présent arrêt intervient dans ce contexte pour appuyer l’importance de la présence du représentant ad hoc à l’entretien individuel à l’OFPRA, garantie fondamentale du respect des intérêts du mineur non accompagné.
Le 10 juin 2022, un ressortissant somalien, a déposé une demande de protection internationale avec l’assistance des services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). L’entretien personnel s’est déroulé à l’OFPRA sans que l’intéressé, toujours mineur, ne soit représenté par son tuteur pourtant convoqué. Sa demande d’asile fut ensuite rejetée par une décision du 23 novembre 2022.
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a annulé la décision de l’OFPRA en se fondant sur la privation du bénéfice de l’assistance du représentant légal. Elle a considéré que le défaut d’assistance de son représentant ne pouvait être imputé au demandeur d’asile mineur qui avait accepté de poursuivre l’entretien avec l’assistance d’un travailleur social. L’Office s’est alors pourvu devant le Conseil d’État contre la décision de la CNDA.
Le Conseil d’État a procédé à une interprétation de l’article L.532-3 CESEDA, qui autorise la CNDA à annuler une décision de l’Office prise sans entretien personnel préalable avec le demandeur de la protection internationale, au regard de l’article L.521-9 CESEDA prévoyant la représentation du mineur non accompagné par un administrateur ad hoc. Il en ressort que la décision de l’Office doit être annulée si le mineur n’a pas bénéficié de l’assistance de son représentant légal lors de l’entretien. En sus, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement de la Cour qui n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le défaut d’assistance ne pouvait être imputé au mineur non accompagné même si ce dernier avait donné son accord pour poursuivre l’entretien personnel en l’absence de son représentant.
Cet arrêt s’inscrit dans l’élan récent de rapprochement de deux domaines pensés séparément l’un de l’autre : la protection de l’enfance et le droit d’asile. En effet, si depuis plusieurs années, la loi prévoyait que le mineur non accompagné soit pris en charge par l’ASE au titre de la protection de l’enfance (art. L112-3 CASF), elle n’imposait rien quant au rôle de l’ASE dans les démarches d’obtention d’un titre de séjour à l’approche de la majorité de l’enfant. Or, l’aide apportée par l’ASE n’étant pas illimitée, il fallait impérativement la combiner avec la protection au titre de l’asile lorsqu’il existait des risques de persécution dans l’Etat d’origine. C’est pourquoi la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a imposé l’accompagnement du mineur isolé par l’ASE dans ses démarches en vue de déposer une demande d’asile (art. L222-5-1 CASF).
Pour autant, la demande d’asile étant lourde de conséquences, notamment pour ce qui est des relations avec l’Etat d’origine, et dans certains cas, avec la famille qui y vit, elle doit être entourée de garanties. L’une d’entre elles est la présence à toutes les étapes de la procédure du représentant légal du mineur. Son rôle est d’accompagner et de représenter le mineur dans ses démarches, en particulier lors de l’entretien individuel. Même si, le plus souvent, l’accompagnateur ad hoc n’est pas formé au droit d’asile, sa présence, en tant qu’adulte, reste incontournable.
Dans le présent arrêt, le Conseil d’État confirme que le mineur privé de son représentant légal lors de l’entretien doit être regardé comme irrégulièrement privé de son droit à un entretien personnel. Il ajoute que l’accord du mineur à poursuivre l’entretien en son absence ne peut pas lui être imputé puisqu’il est vicié par la minorité. Le mineur n’a en fait pas la capacité de renoncer à l’entretien.
Ainsi, la Haute juridiction accroît la protection procédurale des mineurs. L’isolement extrême qui les conduit à bénéficier du dispositif de protection de l’enfance ne doit pas exclure le bénéfice du droit d’asile. Ces deux protections doivent, au contraire, être complémentaires et s’influencer l’une l’autre car elles sont étroitement liées, notamment en ce qui concerne les mineurs non accompagnés.
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