30/07/2025
Une quinzaine d’étudiants internationaux s’est réuni à Caen du 30 juin au 4 juillet pour participer à la 23e édition de l’Université de la paix sur le thème « Paix durable à l’épreuve de l’économie ».
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Laurie Lefèvre
Etudiante en Master 2 Droit des libertés
à l’Université de Caen Normandie
À l’approche de l’hiver, les regards se tournent vers les plus vulnérables dépourvus de domicile. Alors que le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre fait état d’une augmentation de 30 000 sans-abris par rapport à l’année précédente, le dispositif d’hébergement d’urgence est plus que jamais sous tension.
En France, l’État assume les dépenses liées à l’hébergement social (CASF, art. L. 121-7, 8°), tandis que les départements sont responsables de l’hébergement d’urgence dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (CASF, art. L. 222-5). Sous l’autorité du préfet, chaque département doit établir un dispositif de veille sociale (CASF, art. L. 345-2) accessible à toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Ce dispositif vise à fournir des prestations et des aides diverses dans des conditions d’accueil dignes (CASF, art. L. 345-2-2).
Concernant les étrangers, le Conseil d’État (CE) établit dès 2012 que le droit à l’hébergement d’urgence constitue une liberté fondamentale pouvant fonder un référé-liberté (CE, réf., 10 févr. 2012, n° 356456). En principe, les étrangers qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif, sauf en cas de «circonstances exceptionnelles » appréciées in concreto par le juge (CE, réf., 13 juill. 2016, n° 400074). Elles peuvent alors aboutir à la reconnaissance d’une carence de l’État, constituant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 345-2-2 susvisé.
Mais la hausse constante du nombre de demandeurs d’asile pose des questions sur l’applicabilité de ces décisions. La Cour EDH a d’ailleurs souligné qu’elle était consciente de la saturation du Dispositif national d’accueil (DNA). (Cour EDH, 2 juillet 2020, N.H. et autres c. France, 28820/13, 75547/13 et 13114/15, §182).
Les affaires impliquent deux couples de ressortissants étrangers, déboutés de l’asile et sans hébergement à l’époque des faits. Malgré une ordonnance du juge des référés enjoignant au Préfet de Haute-Garonne de fournir un hébergement d’urgence aux requérants et une seconde ordonnance lui enjoignant de s’exécuter, ces derniers n’ont obtenu de solution d’hébergement qu’après l’intervention des mesures provisoires de la Cour EDH ordonnant l’exécution des décisions internes.
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention EDH consacrant le droit à un procès équitable, les requérants se plaignent de l’inexécution des ordonnances du juge des référés par l’administration, le Préfet ayant selon eux fait preuve de mauvaise foi en y résistant de manière abusive. Le gouvernement affirme que ce grief est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et se justifie en arguant de la saturation du DNA et d’une exécution spontanée des décisions litigieuses, les requérants ayant in fine obtenu un hébergement.
La Cour déclare le grief recevable, dispensant les requérants d’épuiser une dernière voie de recours interne au vu des diligences déjà accomplies, considérant que cela constituerait un obstacle disproportionné à leur droit de recours individuel énoncé à l’article 34 de la Convention EDH. Sur le fond, la Cour prend en compte les démarches des requérants pour obtenir un hébergement d’urgence et la passivité des autorités administratives, et conclut à la violation de l’article 6 § 1 par l’Etat en raison d’un refus caractérisé de se conformer aux injonctions du juge interne (§ 73 du présent arrêt).
L’un des couples allègue également une violation de l’article 3 de la Convention EDH interdisant la torture, affirmant avoir vécu dans des conditions inhumaines à la rue pendant plusieurs semaines. Le gouvernement conteste la recevabilité de ce grief pour non épuisement des voies de recours internes. Le couple soutient également une violation de l’article 34, arguant que les mesures provisoires de la Cour EDH n’ont pas été exécutées par l’État, l’hébergement fourni étant inadapté aux besoins de la famille nombreuse, allégation que le gouvernement dément.
La Cour décide de ne pas constater la violation de ces fondements. Elle déclare le grief lié à la violation de l’article 3 irrecevable, soulignant que les requérants auraient dû engager une action en responsabilité de l’État auprès du juge interne avant de saisir la Cour et affirme que la France n’a pas enfreint l’article 34 car les requérants ont finalement obtenu un hébergement adapté dans un délai raisonnable.
Soucieuse que les étrangers en situation irrégulière aient accès aux garanties de l’article 6 § 1, la Cour admet que l’inexécution par l’État de décisions internes définitives ordonnant l’hébergement d’urgence de personnes vulnérables sans abri viole cette disposition et réaffirme ainsi sa jurisprudence constante (notamment 8 déc. 2022, M.K. et autres c. France, 34349/18, 34638/18 et 35047/18, pour des faits similaires). Dans ces deux affaires, la Cour admet que l’octroi et le refus d’une place en hébergement d’urgence constitue un droit civil, et que par conséquent, l’article 6 § 1, applicable si un droit civil ou une accusation pénale est contestée par le requérant, est applicable à l’espèce.
Néanmoins, il est regrettable que la Cour n’ait pas admis une violation de l’article 3 de la Convention, comme elle l’a pourtant fait récemment pour « conditions d’existence inhumaines et dégradantes » de trois demandeurs d’asile, contraints de vivre dans la rue (Cour EDH 2 juillet 2020, N.H. et autres c. France, précité). Cela lui aurait permis de constater également la violation de la dignité des requérants. La jurisprudence de la Cour reconnaît en effet depuis 2011 l’obligation incombant aux Etats, sur le fondement de l’article 3, de protéger la dignité des demandeurs d’asile “totalement dépendants de l’aide publique” et “confrontés à l’indifférence des autorités” (Cour EDH, 21 janv. 2011, MSS c. Belgique et Grèce, 30696/09, § 253). Les requérants en présence réunissaient toutes les conditions pour se voir appliquer cette jurisprudence.
D’autant que le constat de non-violation de l’article 3 par la France est critiquable. D’une part, la Cour adopte une approche contradictoire en dispensant les requérants de l’obligation d’épuiser un recours indemnitaire pour déclarer recevable le grief tenant à l’article 6 § 1, mais en imposant cette obligation pour l’article 3. D’autre part, malgré l’importance soulignée par la Cour de la protection spéciale des demandeurs d’asile, notamment lorsqu’il s’agit de familles avec des enfants en bas âge ou des enfants handicapés (Cour EDH, 7 juillet 2015, V.M. et autres c. Belgique, 60125/11), sa décision dans l’affaire A.C laisse perplexe. En se bornant à affirmer que le logement fourni par l’État est conforme à leurs besoins, sans analyser la situation familiale vulnérable (la famille étant composée d’enfants handicapés) ni les caractéristiques du logement, la Cour sape la crédibilité et l’efficacité de sa jurisprudence antérieure.
Par ailleurs, nous pouvons déplorer l’absence de l’invocation par les requérants d’un grief fondé sur l’article 8 de la Convention, protégeant la vie privée et familiale. En se référant à son arrêt Lacatus c. Suisse, 19 janvier 2021, 14065/15, dans lequel elle admet que l’absence de moyens de subsistance suffisants compromet sérieusement la dignité humaine, établissant ainsi un droit à un niveau de vie minimal décent en vertu de l’article 8, la Cour aurait pu reconnaître une violation de la dignité des requérants, ayant été contraints de vivre à la rue sans ressources.
Néanmoins, la Cour fait un pas supplémentaire dans la protection des demandeurs d’asile en ordonnant des mesures provisoires en matière d’hébergement d’urgence. Cette évolution récente est due à l’affaire belge Camara c. Belgique, 31 oct. 2022, 49255/22. Bien que la procédure soit entourée d’incertitudes, les mesures provisoires couramment publiées par la Cour sont principalement fondées sur les articles 2 et 3 de la Convention, visant à prévenir les éloignements risqués pour la vie ou l’intégrité physique du requérant. Le fait que la Cour publie ces mesures dans un nouveau domaine et sur un fondement inhabituel (l’article 6 de la Convention) alerte les gouvernements sur l’importance de réformer le système d’hébergement d’urgence face au contentieux croissant sur l’accueil des demandeurs d’asile dans les États européens.
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