03/07/2025
L’équipe de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix a sélectionné ses coups de cœurs du mois de juin à regarder, écouter et lire.
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Youram ABDELLI
Etudiante en Master 2 Droit des libertés
à l’Université de Caen Normandie
L’exigence d’impartialité est posée l’article 6§1 de la Conv. EDH, qui prévoit notamment le droit à un tribunal impartial. La notion d’impartialité a été définie par la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après CEDH) dans la célèbre affaire Piersack c/Belgique de 1982 comme l’absence de préjugé. À cette occasion la Cour de Strasbourg différencie l’impartialité subjective relative au for intérieur du juge de l’impartialité objective qui est fondée sur les apparences. En droit, l’exigence d’impartialité est de longue date garantie notamment par la séparation des fonctions de justice pénale, la poursuite, l’instruction et le jugement ne pouvant être accomplis par un même juge dans une même affaire. Mais la Haute juridiction ne se contente pas des interdictions classiques de cumul des fonctions de justice pénale, et va au contraire, en se fondant sur l’article 6 dégager des interdictions prétoriennes de cumul des fonctions. Si le principe est donc celui de l’impossibilité de connaître de la même affaire sous différentes fonctions, dans beaucoup de tribunaux les mêmes magistrats exercent en réalité des fonctions différentes et une application trop stricte de la séparation des fonctions court-circuiterait le fonctionnement du tribunal, c’est pourquoi il a fallu assouplir la règle, par le biais d’une interprétation in concreto du risque de partialité au regard des actes accomplis par le juge dans ses différentes fonctions.
Le code de procédure pénale prévoit deux procédures préventives qui sont le renvoi pour cause de suspicion légitime et la récusation (CPP art. 662 et 668). En outre, une décision rendue par un magistrat dont l’impartialité est remise en question peut être annulée. Toutefois, la Cour de cassation limite la recevabilité d’un tel moyen au recours préalable à l’une des deux mesures préventives (en matière civile : Ass. plén., n°99-12.412, 24 nov. 2000 ; en matière pénale : Ass. plen., n°98-82.323, 11 juin 2004). A défaut, le requérant est présumé avoir renoncé à son droit à un tribunal impartial sauf à démontrer qu’il ne pouvait avoir connaissance du risque de partialité.
Le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) est un magistrat du tribunal judiciaire crée par la loi du 15 juin 2000. Il possède notamment une compétence en matière de détention provisoire. Il peut l’ordonner ou la prolonger par ordonnance motivée prise après un débat contradictoire. L’article 137-1 al. 3 prévoit qu’il « ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu ». En revanche, il n’est pas prévu d’incompatibilité textuelle dans le cas inverse, celui dans lequel le juge intervenu au fond, notamment en tant que juge homologateur d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (ci-après CRPC), serait amené à intervenir ensuite dans la même affaire en tant que JLD. Telle est la situation en l’espèce.
En l’espèce le demandeur fait l’objet d’une CRPC sous la qualification d’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration. Il accepte la peine proposée par le procureur de la République puis comparait devant le juge chargé de l’homologation. Suite aux déclarations de la victime, le juge refuse d’homologuer en raison d’une éventuelle requalification criminelle des faits. Une information judiciaire est alors ouverte. Le prévenu est mis en examen puis placé en détention provisoire par un JLD qui est le même juge que celui ayant refusé l’homologation. L’intéressé demande l’annulation de l’ordonnance de placement en détention provisoire et précise que s’il n’a pas demandé préalablement la récusation du JLD, c’est uniquement en raison des circonstances dans lesquelles la procédure s’est déroulée, lesquelles ne permettaient pas selon lui sa mise en œuvre. Il allègue que l’ordonnance doit être annulée pour défaut d’impartialité étant donné que le JLD l’ayant placé en détention provisoire est le même que celui qui a refusé l’homologation de la CRPC.
La Chambre de l’instruction déclare sa demande irrecevable au motif qu’il aurait dû former une requête en récusation ; en effet, ayant vu le juge lors de l’audience d’homologation, il l’avait nécessairement reconnu et avait donc connaissance du risque de partialité.
La haute juridiction fait droit aux prétentions du demandeur s’agissant d’abord de la recevabilité de la demande en annulation. En l’absence de convocation au débat contradictoire devant le JLD, il ne peut être considéré avec certitude que le requérant avait connaissance de l’identité du juge et qu’il avait effectivement la possibilité de mettre en œuvre la procédure de récusation. Le requérant n’a pas renoncé à son droit à un tribunal impartial car il n’a pas été mis en capacité d’exercer le recours préventif. Sur le fond, la Cour de cassation relève que porte atteinte au principe d’impartialité le fait que le JLD à l’origine de l’ordonnance du placement en détention provisoire soit le même que celui qui a refusé l’homologation de la peine proposée par le procureur pour un motif distinct du cas de rétractation de la reconnaissance de culpabilité par le mis en cause, en l’espèce en raison d’une éventuelle qualification criminelle des faits.
La Chambre criminelle jugeait auparavant que le seul fait que le juge statuant sur le placement en détention provisoire soit le même que celui ayant refusé d’homologuer une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité n’était pas en soi cause de partialité (Cass. crim. 19 juin 2018 n°17-82.649). Cette décision est donc un revirement de sa jurisprudence.
la Haute juridiction l’explique par le fait que conformément à sa jurisprudence postérieure de 2018, le juge qui statut sur une mesure de sûreté doit toujours vérifier que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies et notamment il doit motiver tout placement en détention provisoire par l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation du mis en cause (Cass. crim. 14 oct. 2020 n° 20-83.273). C’est pourquoi il n’est plus possible de considérer qu’une telle situation n’est pas entachée d’un défaut de partialité. Le juge ayant refusé l’homologation pour une éventuelle qualification criminelle ne peut intervenir par la suite en qualité de JLD puisqu’il risque d’avoir ou du moins de donner l’impression d’avoir une idée préconçue s’agissant de l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation du prévenu et justifiant un placement en détention provisoire. La cour pose ici une nouvelle incompatibilité, qui va au-delà de l’incompatibilité prévue par l’article 137-1 al 3 du code de procédure pénale, fondée sur l’exigence d’impartialité. Cette décision s’inscrit dans la démarche casuistique de la Haute juridiction par laquelle elle détermine si une situation présente ou non un risque de partialité.
S’agissant de la recevabilité de la requête cette décision fait une application favorable au demandeur de la jurisprudence selon laquelle il est possible de demander l’annulation de la décision sans recours préalable lorsqu’il n’est possible de connaître qu’après l’audience le grief susceptible de faire naitre un doute sur l’impartialité (Cass. crim. 14 octobre 2009, n°09-85.069). En effet en jugeant qu’il ne peut être établi que le requérant avait connaissance de l’identité du juge alors même que dans les faits il avait nécessairement reconnu le juge qu’il avait vu quelques heures auparavant, la Cour de cassation admet en l’espèce la recevabilité du grief fondé sur l’exigence d’impartialité même en l’absence de demande préalable de récusation.
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