30/07/2025
Une quinzaine d’étudiants internationaux s’est réuni à Caen du 30 juin au 4 juillet pour participer à la 23e édition de l’Université de la paix sur le thème « Paix durable à l’épreuve de l’économie ».
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Théo BARIL
Etudiant en Master Droit des libertés de l’UFR Droit
de l’Université de Caen Normandie
Affaire : Cour EDH, 3 novembre 2022, Loste c. France, n° 59227/12
Depuis la refonte du régime de la prescription quadriennale initiée par la Loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics, le créancier dispose de quatre ans pour engager une action en responsabilité contre l’État, les départements, communes et établissements publics, le point de départ du délai de prescription commence au 1er janvier de l’année qui suit la survenance du fait générateur du dommage. De plus, le Conseil d’État a précisé « que le point de départ de la prescription est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l’origine de ce dommage ou du moins de disposer d’indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable du fait de l’administration » (Conseil d’État, 11 juillet 2008, n° 306140).
Concernant les normes procédurales, il convient de rappeler que la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) mène une lutte sans relâche contre le formalisme excessif, comme rappelé récemment dans l’affaire Xavier Lucas (Cour EDH, 9 juin 2022, Xavier Lucas c/ France, n° 15567/20, §57). De ce fait, la Cour EDH bataille contre l’application trop rigoureuse des normes procédurales ayant pour effet de nuire à la garantie d’un droit « concret et effectif » (Cour EDH, 5 avril 2018, Zubac c/ Croatie, n° 40160/12, §97). Cette jurisprudence constante accorde une grande importance aux circonstances de l’espèce, car ce qui importe n’est pas l’existence de garanties en droit interne, mais si leurs applications ont privé le requérant de ces dernières.
Reste à préciser qu’en droit français, lors des contrats de placement, la famille d’accueil est tenue de respecter une clause de neutralité religieuse. Cette clause est imposée par le service de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) aux membres de la famille d’accueil, qui sont tenus de ne pas adopter de comportement prosélyte vis-à-vis de l’enfant.
En l’espèce, à l’âge de cinq ans, la requérante a été prise en charge par l’ASE puis placée dans une famille d’accueil membre des Témoins de Jéhovah, où elle fut élevée en tant que tel, alors que sa famille d’origine est de confession musulmane. Elle fera en outre l’objet d’abus sexuels de la part de son père d’accueil. La requérante engagera par la suite une action en responsabilité contre le département Tarn-et-Garonne afin d’être indemnisée, car c’est ce dernier qui est responsable des services sociaux. Les juges nationaux refuseront de lui accorder au motif que les faits sont prescrits.
La requérante argue devant les juges européens, que dans le cadre de son action en responsabilité contre le département, l’application des juges s’agissant du point de départ de la prescription viole les articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’Homme (Convention EDH).
Elle argue également que les services de l’ASE ont manqué à leurs obligations en ne la protégeant pas des abus sexuels subis, constituant une violation de l’article 3 de la Convention, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants.
Enfin, elle soutient que les autorités nationales ont violé l’article 9 de ladite convention, qui garantit la liberté de religion, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour que sa famille d’accueil respecte la clause de neutralité religieuse.
Le gouvernement estime quant à lui que le point de départ du délai de prescription commence à courir le 1er janvier 1995, car au cours de l’année 1994, la requérante avait coupé les liens avec sa famille d’accueil et a fait part aux responsables des Témoins de Jéhovah des abus sexuels qu’elle a subis, dès lors, la requérante était en mesure « d’apprécier les conséquences dommageables des fautes commises par le service de l’ASE » (§63).
De plus, le contrôle et le suivi des services de l’ASE étaient réguliers, mais aucun élément ne permettait d’alerter les autorités, ni sur les mauvais traitements subis, ni sur les convictions religieuses de la famille d’accueil.
Premièrement, la Cour EDH a estimé dans une jurisprudence antérieure que le délai de prescription quadriennale en matière administratif n’était pas excessivement court (Cour EDH, 8 juillet 2004, Vo c. France, n° 53924/00, §93).
En revanche, il y a effectivement une violation de l’article 13, combiné aux articles 3 et 9, car les juridictions internes n’ont pas pris en compte le fait que la requérante n’ait eu accès à son dossier que le 24 février 1999, dossier dont elle avait besoin pour démontrer la carence des autorités nationales, ce qui constitue un formalisme excessif.
Deuxièmement, les juges ont conclu à la violation de l’article 3 dans son volet matériel, la France n’ayant pas pu remplir ses obligations positives découlant dudit article. En effet, il était à charge de l’État français de prendre les mesures nécessaires afin de ne pas exposer la requérante à des traitements inhumains et dégradants, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, en raison de la carence du suivi des services sociaux.
Enfin, la Cour EDH constate que les autorités nationales ont violé l’article 9 de la Convention EDH, car elles n’ont pas respecté la clause de neutralité imposée à la famille d’accueil, n’ayant pas eu à leur connaissance les convictions religieuses de ladite famille en raison des carences dans leur suivi. De plus, suite à l’hospitalisation de la requérante, sa famille d’accueil a exprimé son refus de procéder à une transfusion sanguine en raison de leur conviction religieuse, ce qui a été porté à la connaissance de l’assistante sociale chargée du suivi de la requérante, sans que cela ait été porté à la connaissance du juge.
De ce fait, la France n’a pas pris les mesures nécessaires pour que soit respectée la liberté de religion de la requérante, et n’a donc pas rempli les obligations positives découlant de l’article 9.
Conclure à la violation de l’article 3 ainsi que de l’article 9 en raison de la carence du suivi des services sociaux n’a rien d’étonnant, la Cour a dégagé la notion des obligations positives très tôt dans sa jurisprudence, contraignant ainsi les États à prendre les mesures nécessaires afin de faire respecter les droits de la Convention EDH, quand bien même ces droits supposeraient une abstention de la part des États. En revanche, c’est sur la notion de l’excès de formalisme que les juges européens se sont montrés plus audacieux.
En effet, c’est la première fois que la Cour EDH condamne un État pour formalisme excessif sur le fondement de l’article 13 de la Convention EDH. D’accoutumée, la Cour emploie cette notion en lien avec l’article 6 de la même convention (Cour EDH, 9 juin 2022, Xavier Lucas c/ France, n° 15567/20, §43). Cependant, et la Cour le rappelle, « l’article 6 constitue une lex specialis par rapport à l’article 13, les exigences du second se trouvant comprises dans celles, plus strictes, du premier » (§61). Cela s’explique du fait que l’article 6 ne trouve à s’appliquer qu’en matière civile et pénale, mais dans le cas en l’espèce, la demande d’indemnisation de la requérante envers le département relève du contentieux administratif, ce qui ne permet pas d’appliquer ledit article. Pour parer à cette situation, la Cour a condamné la France sur le fondement de l’article 13, ce qui permet d’appliquer la notion de formalisme excessif dans un cadre plus global, puisqu’elle trouve désormais à s’appliquer peu importe la nature du contentieux. Ce faisant, la Cour accorde ainsi une protection plus conséquente aux individus lésés par la mauvaise application des normes procédurales.
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