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Une quinzaine d’étudiants internationaux s’est réuni à Caen du 30 juin au 4 juillet pour participer à la 23e édition de l’Université de la paix sur le thème « Paix durable à l’épreuve de l’économie ».
L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix et l’Université de Caen Normandie s’associent pour une série de « Points de vue » exclusifs.
par Elodie ROGER
Etudiante en Master 2 Droit des libertés
à l’Université de Caen Normandie
Les articles 78-1 et 78-2 du code de procédure pénale prévoient la possibilité pour les forces publiques d’opérer des contrôles d’identité. Ces contrôles sont à l’initiative du procureur de la République ou à celle d’un officier de police judiciaire, dans le second cas, les contrôles sont dits de police judiciaire s’il est établi qu’il y a eu une infraction pénale, ou de police administrative si le but est d’empêcher la commission d’une infraction.
La Cour de Cassation a d’abord énoncé qu’un contrôle discriminatoire constituait une faute lourde du service public de la justice susceptible d’engager la responsabilité de l’État, sur le fondement de l’article L.141-1 du code de l’organisation judiciaire (Cour de cassation, Ch. Civ. 1°, 9 novembre 2016, 15-24.210). Ensuite, le Conseil constitutionnel réitère que ces contrôles ne peuvent être discriminatoires (Conseil constitutionnel, décision n°2022-1025 QPC, 25 novembre 2022).
Par ailleurs, les articles L.77-10-1 et suivants du code de justice administrative disposent qu’une action de groupe peut être engagée devant le juge administratif, à condition qu’elle soit portée par une association ayant la capacité d’ester en justice pour défendre les intérêts de particuliers. En l’espèce, les requérantes défendent les droits de l’Homme. La loi n°2008-496 du 27 mai 2008 prévoit qu’une association peut agir pour lutter contre des discriminations directes ou indirectes, telles que définies dans son article premier, commises par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public, à l’encontre de plusieurs personnes dans une situation similaire. L’action de groupe doit avoir pour but la réparation des préjudices, la cessation d’un manquement ou les deux. Enfin, le juge peut prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser le manquement.
La requête est portée par l’ONG Amnesty International France et d’autres associations. Les requérantes considèrent qu’il existe une pratique « systémique » et « généralisée » des contrôles d’identité discriminatoires, fondés sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée. À l’appui de leur requête, elles évoquent une faute lourde de l’État (Cour de cassation, Ch. Civ. 1°, 9 novembre 2016, 15-24.210), laquelle est constatée dans un rapport du Défenseur des droits et un de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance.
Les associations demandent alors diverses mesures, notamment de supprimer le contrôle d’identité de police administrative et restreindre le contrôle de police judiciaire, de créer un régime spécifique pour les mineurs et une autorité administrative indépendante dédiée à la surveillance des contrôles d’identité, également de signer et ratifier le protocole n°12 de la Convention européenne des droits de l’Homme luttant contre toute forme de discrimination. Enfin, elles demandent la mise en place de procédures plus formalistes et contraignantes, une fois la personne contrôlée.
Le ministre de l’intérieur tente de faire échec à l’action de groupe. Il réfute le caractère habituel des contrôles d’identité discriminatoires en se basant sur le faible nombre de plaintes, de même qu’il considère que la cessation d’un éventuel manquement devient inutile dès lors que les effets ont déjà été produits.
Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle que le juge judiciaire est compétent pour contrôler la régularité des contrôles d’identité pris individuellement les uns des autres. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’apprécier le fonctionnement du service public, et notamment d’apprécier s’il existe un manquement de l’État consistant à ne pas agir face à l’amplitude des contrôles d’identité discriminatoires, une action de groupe est tout à fait justifiée. Sa mise en œuvre permet de passer sous la compétence du juge administratif, de ce fait, envisager des mesures à l’encontre de l’administration.
Le Conseil d’État considère que le seul fait, pour un individu, de percevoir son contrôle d’identité comme discriminatoire, ne suffit pas à prouver qu’il l’était. En revanche, le faible nombre de plaintes n’atteste pas non plus que cette pratique est rare. Les juges se basent donc sur l’ensemble des éléments produits et le rapport du Défenseur des droits pour caractériser une méconnaissance de l’interdiction des pratiques discriminatoires, au sens de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008.
La requête visant à faire cesser ce manquement, dû à une abstention des pouvoirs publics, est pourtant rejetée par le Conseil d’État. Ce dernier va faire échec à toutes les demandes des requérantes au motif qu’elles dépassent sa compétence. En effet, le juge administratif refuse d’orienter la façon dont les contrôles d’identité doivent être opérés, il estime que ces prérogatives appartiennent au législateur et au gouvernement. De manière générale, le Conseil d’État s’oppose à intervenir dans toute politique publique, même par le biais d’une injonction.
Cette décision est innovante et importante, c’est la première fois que le Conseil d’État statue dans le cadre d’une action de groupe, pour cette occasion il se réunit en assemblée.
Il en profite pour étoffer le régime de l’action de groupe tendant à la cessation d’un manquement. Il revient en principe à l’administration de faire cesser l’illégalité ou faire état des contraintes inhérentes à la gestion du service public, d’autant qu’elle est la plus à même de déterminer l’utilité des mesures. Ce n’est qu’ensuite que le juge pourra être utilement saisi, dès lors que le manquement est grave ou récurrent. Une autre décision rendue le même jour illustre ce schéma (Conseil d’État assemblée, 11 octobre 2023, n°467771) : le ministre de l’intérieur refuse de prendre des mesures pour satisfaire à l’obligation de rendre le port de l’identifiant individuel des agents des forces de l’ordre effectif et apparent, le refus est annulé en excès de pouvoir et assorti d’une injonction pour pallier le manquement.
Pour l’action de groupe, le Conseil d’État ne fait logiquement pas droit aux demandes des requérantes. Elles auraient souhaité que la juridiction se substitue au législateur, ce qui ne pouvait pas aboutir en raison du principe de séparation des pouvoirs. Quant à l’égard de l’administration, le juge ne peut déraisonnablement user du pouvoir d’injonction et se transformer en administrateur.
Il se pourrait alors que l’ambition de réformation des requérantes, avec des demandes trop précises, ait mené au rejet total de la requête. Des demandes plus modérées auraient sans doute été mieux accueillies, à l’instar de l’arrêt précédemment cité, dans lequel le Conseil d’État enjoint par exemple d’augmenter la taille des caractères des matricules des forces de l’ordre.
L’intérêt de la décision est aussi que le Conseil d’État constate un manquement, l’État s’abstient de mettre en place des mesures pour mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires. Il confirme que de telles discriminations existent mais ne les qualifie pas pour autant de « systématiques » et « généralisées ». Cependant, le Conseil d’État ne va pas au-delà de cette simple reconnaissance. Cela nous laisse présager que le contentieux des contrôles d’identité discriminatoires aura de meilleures chances de succès avec de simples recours individuels auprès du juge judiciaire, faute d’amplitude suffisante.
L’action de groupe était toutefois un recours intéressant pour tenter de faire disparaître ce problème d’ordre structurel, au moins de le minimiser, puisque selon l’article L.77-10-6 du code de justice administrative, le juge dispose de « toutes mesures utiles » pour faire cesser le manquement. En somme, si un tel recours aboutissait, il ouvrirait de larges possibilités.
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